CRASH
Charli XCX
Après plusieurs années passées à innover dans le genre hyperpop avec ses adelphes de PC Music, Charli XCX revient pour nous sortir un grand album de pop, pour de bon cette fois. Cette envie de faire cohabiter aspirations expé et ADN pop, elle se retrouvait déjà sur son quatrième album Charli, capable d'alterner entre ballades sentimentales et bangers électro beaucoup plus délurés. La sortie de CRASH devait logiquement confirmer son retour dans le mainstream. Mais sa conception fut interrompue par le premier confinement : frustrée de ne pas pouvoir bosser sur cet album comme elle le voulait, l'Anglaise se console avec un baroud d’honneur hyperpop, how i’m feeling now. Deux ans plus tard, le COVID est presque parti, l'humeur est presque à la fête, et la fête peut (re)commencer.
Une première écoute de l'album confirme très rapidement ce virage pop à 180 degrés. Fini de jouer les avant-gardistes, CRASH est un album qui nous prend par la main et qui s’écoute d’une traite. Les morceaux sont d’une redoutable efficacité, les refrains sont pensés pour être hurlés en soirée, le dosage entre bangers et ballades est savamment équilibré, et, cerise sur le gâteau, l’album s’offre même un fil conducteur avec ce personnage de femme fatale que Charli XCX s’amuse à jouer, se vantant par exemple de jouer de la naïveté de la gent masculine. Si cet humour caustique n’est bien sûr pas nouveau, son côté fleur bleue n’est pas en reste sur l'album, puisque des morceaux plus doux comme « Every Rule » et « Lightning » dévoilent une Charli éperdument amoureuse et en proie aux feux de la passion. Ce sont ces pertes de contrôle qui lui permettent ensuite de livrer des morceaux plus introspectifs (« Move Me », « Used To Know Me », « Twice »), où les remises en question flirtent avec des pulsions autodestructrices. Ce mélange d’émotions complexes est d’ailleurs génialement illustré sur la pochette de l’album où Charli XCX se présente à la fois dans une posture de dominatrice, (aurait-elle vu le Titane de Julia Ducournau), tout en rendant visibles l'étendue de ses fragilités, voire de ses blessures.
Mais il serait sot d'oublier que la replay value de cet album provient aussi du fait que Charli XCX semble avoir gardé un certain contrôle sur l’entièreté de sa réalisation. Comme pour boucler la boucle, celle-ci a retravaillé avec Justin Raisen et Ariel Rechtshaid, qui étaient déjà à la manœuvre sur ses premiers albums True Romance et Sucker. Par ailleurs, en travaillant avec certains producteurs ayant officié sur les derniers projets de Dua Lipa et The Weeknd (notamment Digital Farm Animals et Oscar Holter), elle donne à son album un doux parfum de nostalgie avec des sonorités qui évoquent le disco des années 80 (les synthés et les guitares funky du tubesque « Baby ») et l’eurodance des années 90-2000 (ça sample « Show Me Love » sur « Used To Know Me »). Pour ce qui concerne ses featurings, Charli XCX se balade dans sa zone de confort puisqu’elle avait déjà collaboré avec Caroline Polacheck, Christine and The Queens et Rina Sawayama par le passé. Enfin, Charli ne tourne pas définitivement le dos à l’hyperpop puisqu’elle s’entoure une fois encore de son fidèle A.G. Cook, le pape du label PC Music, sur deux morceaux. Le résultat est tout bonnement explosif et rend ses lettres de la noblesse à la pop dans pour autant devenir impersonnel ou tomber dans les facilités. Bref, si cet album-synthèse ne fait pas un carton, sachez que le type qui a écrit cette chronique se sentira très con.