Contre-Temps
Flavien Berger
Flavien Berger est un drôle de type. Et ça commence déjà par son physique d’ailleurs : à trente berges passées, il ressemble à un adolescent comme ceux qu’on peut croiser en sortant d’un concert de Metallica. Il a une légère bedaine, une moustache et une coupe de cheveux chelou. On peut dire qu’il a une bonne bouille d’artiste en tout cas, ce qui tombe plutôt bien puisqu’il en est un : il arrange, bidouille, compose. Flavien Berger écrit des chansons quoi. Souvent il se perd dans des délires compris de lui seul. Parfois, il réussit à écrire de très beaux morceaux. Et c’est justement cette deuxième catégorie qui arrive à donner un tant soit peu de sens à tout ce cirque.
Il aura fallu deux longues années à Flavien Berger pour réussir à boucler Contre-Temps. Deux années à travailler sur les mêmes chansons, c’est révélateur soit d'une extrême rigueur, soit du bordel qui règne dans sa tête. En tout cas, lui-même le reconnait : il est "mauvais pour les deadlines", et compose mieux sans cette pression du temps. Il en a même fait une chanson sur son troisième disque. Pas un interlude, non, un vrai morceau, avec un refrain, des couplets, et tout ce qui s’en suit. Il prend en effet un plaisir réel à sculpter des mélodies sur des thèmes qui n’en sont pas, et qui lui laissent donc une liberté totale. Celle de dépasser les mots, de les vider de leur sens pour qu’ils n’existent que pour habiller une de ces belles mélodies dont il a le secret.
À l'inverse, il ne faut pas avoir peur non plus de reconnaitre que toutes les chansons du disque ne sont pas de bonnes chansons. Flavien Berger lui-même reconnaîtra sûrement que certains titres ne doivent leur présence sur Contre-Temps que par l’attachement inexplicable qu’il leur porte, ou au contexte dans lequel il les a enregistrés. Bref, à toute cette partie mystérieuse que l’auditeur n'appréhendera probablement jamais. En même temps, ce n’est pas si grave s'il ne comprend pas : on peut penser que Flavien Berger n’est sans doute pas certain du sens qu’il a voulu donner à ses propres chansons, et qu'il s’en satisfait très bien. Le plus important, c’est que chacun puisse y coller des bouts de soi, des souvenirs, des moments. Et ça tombe plutôt bien, car entre le charme méditerranéen de "Brutalisme", la rythmique house de "Maddy La Nuit", ou les douze minutes lancinantes et félines de "Contre Temps" avec Bonnie Banane, les occasions de s'approprier le disque sont nombreuses.
Quand on se relit, on se rend compte qu'on pense beaucoup de choses à la place de beaucoup de monde. On s’en excuse. La vérité, c’est qu’ici, l’exercice de la chronique est un peu poussé dans ses derniers retranchements, car même si on écoute beaucoup ce disque, on peine à se faire un avis définitif sur celui-ci et sur son géniteur. On trouve que c’est à la fois génial et raté, dansant et statique, ambitieux et pantouflard. Beaucoup d’adjectifs antinomiques pour finalement avouer que Contre-Temps est un joyeux fatras fait de tout et de rien, où chacun s’amusera à aller y dénicher ce qui lui procure le plus de plaisir. Un objet unique en son genre qui réussit à nous toucher pour un milliard de raisons que l’on n'arrive même pas à pointer du doigt. Quand on vous dit que c’est un drôle de type.