Commando
Niska
Il en fallait un. Puisque le rap français aime pondre de nouveaux héros tous les 6 mois, après Damso et Fianso, c'est désormais Niska qui va squatter nos fils d'actus et nos rayons de supermarchés tout l'automne. Tout cela à la faveur d'un tube viral - le bien nommé "Réseaux" - pourtant même pas si incroyable que cela. Mais depuis les jurisprudences "Bad And Boujee" et "Mask Off", on sait que c'est davantage le potentiel mem-esque des morceaux que leur qualité intrinsèque, si cela existe, qui vous ouvre les portes des radios. Quoi qu'il en soit, "Réseaux" et ses 153 millions de vues sur YouTube ont permis à Niska d'intégrer la short list des rappeurs les plus bankables du moment. Un exploit auquel ni Charo Life, ni Zifukoro, ses deux projets précédents, n'étaient parvenus. Bonne nouvelle, le charo en a profité pour dégainer son meilleur album à ce jour.
Si Niska surfe sur une image de roi de l'entertainment et de machine à gimmicks, il est heureux qu'il n'ait pas oublié son véritable ADN sur Commando. Loin d'être un afro-trappeur un peu mongolo comme il en pullule aujourd'hui des milliers sur YouTube, l'Essonien est un emcee éprouvé, issu d'une école de rap bien plus classique que les dernières dégénérescences à la mode. La colonne vertébrale du projet est ainsi composée de morceaux plutôt hardcore et conscients : l'incroyable ouverture "Story X", "La wewer", "Medellín", et même le single "Salé", montrent que le rappeur se pose davantage en chroniqueur de la vie dans le ghetto qu'en roi de la fête. Sur "Medellín", il parvient en quelques vers à livrer sa vision de la France actuelle : "Les livraisons se font à vélo/Les grands du tieks finissent alcoolos/Les soeurs des gens sont dans les tels-hô/Les toxicos sont dans les bureaux". De fait, tout au long de l'album, Niska parvient à convoquer l'image du Despo Rutti de la grande époque. Sauf que, plutôt que de rester à vriller seul dans sa chambre, le poète aurait décider d'aller s'éclater en club.
Car, pour le reste, le charognard abreuve généreusement les bars à chicha en danses du vautour et en gimmicks qui vous font perdre un peu plus de neurones à chaque écoute. Le succès inattendu de "Réseaux" semble l'avoir libéré de toute forme de pression et il s'en donne à coeur joie dans ce personnage d'ambianceur cartoonesque qu'il affectionne. Ne vous étonnez pas si les "Jamain!", les "Ouh ouii!" ou les "BendoNaBendo!" surgissent de votre bouche par inadvertance : ce syndrome de Gilles de la Tourette est inhérent à la fréquentation des morceaux "Ah bon?", "B.O.C" ou "Snapchat", qui trouveront facilement leur place dans vos playlists de soirée (pour peu que votre entourage ne soit pas constitué que de fans de Kendrick Lamar). Streaming oblige, l'album n'est pas dénué de remplissage, surtout dans son dernier tiers. Mais cela ne nous empêchera de célébrer ensemble notre nouveau héros, qui, malgré son image de rappeur pour footeux, porte en lui les gênes de ses illustres prédécesseurs.