Cocoon 100
Various Artists
Si on demande au néophyte de se faire une opinion sur les seules apparences, il y a fort à parier que son jugement sera sans appel lorsqu’on lui montrera une photo de Sven Väth prise ces derniers mois. Il y verra un kéké sans la moindre élégance, du genre à ne prendre son pied que dans des méga-clubs remplis de gens qui n’y connaissent que dalle à la bonne musique électronique et dont le Saint-Graal est probablement le Pacha d’Ibiza. Et on ne pourra pas lui donner tort, puisque Cocoon en 2013, c’est un peu ça. Mais à la surface seulement, et de mai à septembre.
Car derrière les noubas XXL dans la Mecque européenne des soirées aux prix d’entrée inversement proportionnel à la qualité des sets, il y a un label qui pèse lourd (la bagatelle de 230.000 fans sur Facebook quand même), et pour les bonnes raisons : celles qui sont liés à un flair sans faille et à des choix d’une pertinence rare. Car avec Sven Väth, on a un entrepreneur qui tout compris aux mutations de la musique électronique ces dernières années (notamment sa conversion en business juteux), mais qui est resté fidèle à des exigences qualitatives. A l’arrivée, Cocoon représente probablement ce vers quoi tendent pas mal d’apprentis sorciers de la sphère electro: une structure qui brasse des euros par centaines de milliers, sans avoir laissé son intégrité au vestiaire. Cocoon ne suit pas la cadence infernale imposée par le milieu, il la donne. La preuve avec Cocoon 100, double compilation fêtant les 100 sorties du label.
Le cap de cette centième sortie, il a été franchi il y a un petit temps maintenant. Mais voilà, si on a jugé impossible de ne pas fêter l'événement, on a mis un peu plus de temps que prévu à monter un tracklisting solide composé d’inédits de pointures et/ou chouchous de la galaxie tech-house. A l'arrivée, on ne se retrouve pas avec une sortie qui s'offre un tracklisting kilométrique, mais bien une compilation qui privilégie la qualité à la quantité : 17 titres, étalés sur deux disques bien remplis. Et surtout, pas du fond de tiroir. Et s’il serait vain de vous faire une analyse détaillée de l’objet, un point de vue plus global devrait suffire à vous convaincre.
Dès lors, si l’on met de côté l’absence flagrante de cohérence inhérente à ce genre d’exercice, il reste 17 titres, pour la plupart imparables. La seule lecture du tracklisting fout des étoiles plein les yeux, et la majorité des contributions sont à la hauteur des attentes : un Ricardo Villalobos qui se la joue marathonien de fin de nuit sur « Arild », Lawrence qui poursuit le travail de sappe minimaliste et pop observé sur le récent Films & Windows, l’association tubesque entre Gregor Tresher et Petar Dundov (qui vient pour rappel de nous pondre un Goûte Mes Mix de toute beauté), les coups de butoir technoïdes d’Extrawelt, la précision chirurgicale de Loco Dice, ou encore les attaques vicelardes d’un Dominik Eulberg des grands jours. Impossible de ne pas y trouver son compte. Et derrière tout ce bordel, on imagine la sourire radieux d’un Sven Väth qui admire son empire avec le sentiment du devoir accompli, et de nouvelles idées plein la tête. Il peut être fier, le salaud.