Claustrophobia
Scuba
A la question insoluble de savoir si on souffre plus de ce qu’on n’a pas connu ou de ce qu’on a perdu, Scuba apporte une réponse claire. Si certains producteurs passent leur vie à taper de l'average good de telle manière qu’on ne les porte jamais au panthéon, certains disques peuvent, a posteriori, niquer des carrières. C’est le cas des trop bons disques, des plaques comme A Mutual Antipathy. Des œuvres charnières, titanesques et totalement pleines.
C’était il y a sept ans maintenant, et on ne s’est jamais vraiment remis de ce premier album. Logiquement inscrit dans la lignée des producteurs post-dubstep de l’époque, Scuba évoluait en parallèle à Ramadanman, Untold ou Pangaea, pendant que son label, Hotflush Recordings, devenait une nouvelle référence aux côtés d’Hemlock, Hessle Audio, Punch Drunk ou Apple Pips. Une époque de cassure entre le dubstep traditionnel et ce « quelque chose » de plus neuf et de totalement hybride qui a vu le jour. Habitué alors à travailler des produits axés dubstep-techno, Scuba balancera une bombe de post-dubstep rêche, tout en claviers post-acid, en minimalisme et en sound-design. De loin l’une des œuvres les plus abouties que le genre peut nous proposer, même dix ans après.
Depuis, Scuba et son label ont bien grandi, devenant les rois de l’hybride et de la transgression légère et un peu chiante. Considéré rapidement comme l’un des plus grands architectes du changement, Scuba a muté, tirant vers toujours plus de house et de techno, jouant dans des clubs de plus en plus gros et assumant son héritage post-dubstep de manière plus ou moins franche. Triangulation et Personality ont d’ailleurs très vite montré les limites d’un Scuba peut-être trop vite talentueux, consacré à raison pour un exploit qu’il n’a plus jamais eu envie de réitérer.
A sa décharge, les lignes de la bass music ont drastiquement bougé depuis ce premier album, emportant naturellement tous les hybrides vers toujours plus de percussions, les rapprochant toujours plus de Berlin et de Chicago. Peut-être est-ce tout simplement comme ça: il ne faut pas toujours chercher à conscientiser les parcours de carrière de tous ces producteurs à qui on n’a jamais parlé.
Tout ça pour dire que Claustrophobia poursuit l’histoire débutée depuis Triangulation, alternant bangers techno, pistes de remplissage et clins d’œil discrets à un passé post-bass music qui n’est plus vraiment. Ce quatrième disque aligne du gros dj tool percussif quoique périssable (« Why You Feel So Low », « PCP », Black On Black »), remplit pas mal d’espace avec des titres inutiles et pas immersifs pour un sou, lâche quelques field recordings à la volée et anime le tout avec des techniques sonores absolument réductrices du talent incontesté de l’Anglais.
Preuve en est que rien ne remplacera A Mutual Antipathy, « Needle Phobia » en reprend tous les codes, sans véritable succès. En bref, et comme on l’attendait, ce quatrième disque est rempli d’effets de manche inutiles et passe sans rien provoquer de définitif. De quoi ambiancer les clubs pendant les trois prochains mois, et prendre la pleine mesure d’un premier album inégalable. Merci et au revoir.