City of Clowns

Marie Davidson

DEEWEE – 2025
par Jeff, le 26 mars 2025
7

Comme Tori Amos ou Lykke Li avant elle, Marie Davidson aurait pu être une artiste dont la carrière, bien que plurielle, allait être appréhendée à l’aune d’un seul titre – un remix qui plus est. On parle de « Work It », hymne techno-pop percussif vantant les louanges du productivisme ou de l’autonomisation, selon la lecture que l’on a du texte. Entre les mains expertes de Soulwax, « Work It » s’est converti en un banger leur appartenant autant qu’il ne menaçait de définir irrémédiablement l’artiste montréalaise.

Mais plutôt que de se laisser dévorer par le remix, Marie Davidson a choisi de contre-attaquer de la façon la plus intelligente qui soit : en sortant un nouvel album racé et engagé, à l’ADN électronique pluriel et à l’énergie dévorante. Un putain de statement en somme. Mais surtout, elle a choisi de la faire sur DEEWEE, le label administré par Soulwax, et d’associer les frères Dewaele à la création et à la production, aux côtés de son partenaire Pierre Guerineau.

Tout le monde a à y gagner : Marie Davidson a l’occasion unique d’intégrer une écurie qui, si l’on accepte de se fondre un minimum dans le moule, offre autant de liberté que d’opportunités. Quant à Stephen et David Dewaele, ils peuvent s’amuser à brouiller la frontière entre l’accompagnement bienveillant et la contribution effective au processus créatif. Un rôle de DA en somme, dans lequel ils s’épanouissent tellement qu’on va finir par se demander s’ils ont vraiment envie de nous donner une suite à FROM DEEWEE, sorti en 2017.

Ainsi, City of Clowns ressemble moins à une aventure solo qu’à un vrai disque de groupe, dans lequel tout le monde a son mot à dire, son grain de sel à mettre. On a même envie de dire de City of Clowns qu’il est autant le prolongement de ses aventures synth-pop passées (Essaie Pas, L’œil nu) qu’une mise à jour du logiciel club et politique utilisé sur Working Class Woman en 2018. Quant à Steph et David Dewaele, ils apportent à la Montréalaise une ouverture d’esprit qui, combinée à son audace habituelle, lui permet de multiplier les terrains de jeu sans jamais s’y perdre.

Sexy Clown ressemble à une exploration à la sauce Marie Davidson – donc un mélange de sensualité, d’assertivité et d’activisme –  de la collection de disques des Dewaele, dans laquelle on trouve le premier album de Lio entre un classique de la New Beat et le premier maxi de New Order, où des labels comme R&S, Tresor et Bonzaï Records cohabitent en parfaite harmonie. Et pour éviter que tous ces beaux LP tombent de l’armoire, des ouvrages de Naomi Klein et Soshanna Zuboff (dont L’âge du capitalisme de surveillance est ici une source d’inspiration) servent de cales. Dans un monde où la culture club et la musique électronique oublient parfois d’où elles viennent et les valeurs qu’elles représentent, City of Clowns est une piqûre de rappel salutaire.