Circuital
My Morning Jacket
Le boulot de chroniqueur est souvent casse-gueule. Comme d’autres avant nous, combien de disques n'avons-nous pas encensé pour se raviser discrètement quelques mois plus tard. Dans le même ordre d'idées, il est des disques que l'on a à tort hésité à barder de superlatifs de peur d'en faire des caisses pour une galette qui finira quelques mois plus tard dans les tréfonds d'une discographie. Le Z de My Morning Jacket fait indéniablement partie de cette catégorie-là : une chronique polie et plutôt élogieuse avait accueilli la sortie du disque en 2005. Polie, peut-être parce qu’il fait figure d’OVNI dans la carrière jusque là impeccable du groupe américain. Avant Z et sa production XXL, la formation emmenée par l’insatiable Jim James donnait autant dans les couches de reverb épaisses comme un double Whopper que dans le rock aux solos héroïques ou le folk halluciné. Et on était alors presque dérangé par la cohérence de ce Z désarçonnant. Et puis pour la première fois, on avait l’impression que Jim James et les siens étaient parvenu à canaliser un enthousiasme parfois un peu trop débordant, qui peut mener le groupe vers les sommets (le gargantuesque It Still Moves en 2003) comme le tirer méchamment vers le bas (le précédent album du groupe, le décevant Evil Urges).
Au beau milieu de cet encéphalogramme plutôt instable, on retrouve Circuital, album qui a parfois tendance à perdre le fil de ses idées mais qui est aussi souvent magnifié par des compositions d’une qualité tout bonnement exceptionnelles – parce que bon, My Morning Jacket reste My Morning Jacket. Les bonnes vieilles ficelles des derniers albums sont donc toujours tirées, même si on sent le groupe plus apaisé que jamais. A ce sujet, le final un peu bordélique et bruitste de l’inaugural « Victory Dance » ne doit pas vous induire en erreur: Circuital est un disque dont les contours sont plutôt bien balisés, même si MMJ se permet un petit détour par la soul cuivrée sur « Holdin’ On To Black Metal », un titre qu’on jugerait complètement inapproprié s’il n’était pas aussi bon et qu’il n’était pas l’un de rares où l’on tire vraiment profit du falsetto incroyable de Jim James. Pour le reste, Circuital sonne comme du My Morning Jacket pur jus, l’expérimentation et la folie des débuts en moins. Et n’allez pas croire que c’est un mauvais signe. C’est simplement la preuve que ce groupe-là vieillit très bien. Mais surtout, Circuital est un disque généreux, un disque qui a une paire de couilles grosses comme la touffe de son chanteur et un disque qu’on crève déjà d’envie d’entendre sur scène, le terrain de prédilection de My Morning Jacket. Dommage que le groupe se fasse si rare de ce côté de l'Atlantique...