Chromophobia

Gui Boratto

Kompakt – 2007
par Simon, le 19 avril 2007
9

S’il est désormais une scène incontournable dans le milieu des musiques électroniques, c’est bien celle venue d’Amérique du Sud. A l’heure où cette chronique s’écrit, on compte de plus en plus d'artistes émergeant d’Outre-Atlantique, partant à la conquête des dancefloors mondiaux : le Chilien Ricardo Villalobos, le Brésilien Amon Tobin, les Argentins de Lovelychords ou encore Gui Boratto. Qu’ils soient d’éternelles pointures ou artistes en devenir, ils apportent doucement leur pierre à l’édifice électronique, pour peut-être voir un jour (qui sait) le point névralgique de l’electro se déplacer de l’Europe vers l’Amérique du sud. Découvert par l’écurie allemande Kompakt (dont le bon goût n’est plus à prouver), Gui Boratto a donc toutes les cartes en main pour plaire. Après plusieurs maxis acclamés par la presse spécialisée (« Gate 7 », « Beautiful Life », « Arquipélago »,...), notre nouvelle coqueluche effectue le passage, très attendu, au format long avec Chromophobia.

Tout d’abord, la comparaison avec des producteurs tels que Trentemoller ou James Holden semble tout à fait convenir : même démarche, produire une musique électronique explosant ses frontières, une musique électronique se jouant des genres, des règles établies. Et notre Brésilien n’a pas à rougir de ces comparaisons tant l’ensemble est déroutant de maîtrise. Chromophobia, c’est un délicieux croisement entre le Movements de Booka Shade et le Orchestra of Bubbles d’Ellen Allien et Apparat, deux pièces maîtresses de la techno synthétique. Mais Gui Boratto a su tailler à grands coups sa propre voie en développant une musique minimale racée et exigeante. Les premières pièces du tableau ont de la réserve, une énergie débordante qui sait se faire explosive mais dominée, comme autant de nappes druggy qui ne demandent qu’à exploser. Mais le maître sait se faire attendre, sait quand ces petites protégées feront le plus de mal, évitant ainsi l’écueil d’une techno putassière, se réservant donc l’espace pour mieux imploser dans des fracas organiques d’une ampleur magistrale. Ambiances sucrées-salées, dignes oppositions entre le digital et l’organique, réminiscence trancey et autres cabrioles, le producteur sait tout faire. Des ambiances uniques, voilà de quoi il sera question tout au long de ces 13 titres qui résonnent comme autant de pièces majeures. Mais Gui Boratto, c’est aussi une minimal dans la plus pure tradition allemande, à la différence près qu’on sent de loin les influences dont il a été nourri. Dès lors des titres comme « Chromophobia », « The Blessing » ou encore « Malá Strana » peuvent déjà se ranger aux rangs des cultes du genre. Comme si cela ne suffisait pas, Gui Boratto retapera encore sur le clou en proposant « Beautiful Life », véritable chef-d’œuvre incarné en une pop-song délicate et patiente, touchante et dynamique. Bref, un album de minimal au contenu maximal.

Quand le voyage se termine, on en reste bouche bée d’admiration pour cet homme dont on ne cessera de parler, on ne sait trop quoi dire quand le professionnalisme est doublé d’une telle inventivité. Œuvre à la beauté fragile, l’album laissera un sourire pantois à toute personne attentive car nul ne saura résister à pareil charme. Un disque à ranger auprès de Alcachofa de Ricardo Villalobos et Leave Luck To Heaven de Matthew Dear sur le trône des albums cultes de la minimal. Immanquable.

Le goût des autres :
7 Julien 9 Laurent_old 9 Nicolas