Changing Days
Mano Le Tough
Même si ce ne sont pas les bons albums de musique électronique qui manquent, il faut bien reconnaître que le genre s’épanouit véritablement dans la myriade d’EPs et de singles qui l’alimentent à longueur d’années. Evidemment, comme tout artiste qui se respecte, l’électronicien lambda rêve souvent de tester ses talents de composition sur la longueur d’un album, à l’image de Mano Le Tough aujourd’hui, lui qui s’est taillé une solide réputation en posant sur Internasjonal, le label de ce bon vieux Prins Thomas, ou en remixant avec pas mal de réussite des titres de Roisin Murphy ou Aloe Blacc.
Et le simple fait que l’Irlandais exilé à Berlin prenne un malin plaisir à retravailler des artistes plus « pop » aurait déjà dû nous en dire long sur sa volonté de s’exprimer davantage comme un songwriter que comme un producteur pur et dur. Par ailleurs, c’est sur Permanent Vacation que débarque le rouquin, une structure dont le principal fait d’armes reste le ƒIN de John Talabot, l’un des tous bons albums de house sous perfusion pop de l’année dernière.
On peut donc légitimement penser que la structure de Munich a transféré l’Irlandais histoire de rééditer ce petit exploit. Car c’est clairement dans le droit fil du disque de l’Espagnol que s’inscrit Changing Days. A la seule différence qu’on a du mal à voir en Mano Le Tough le successeur légitime d’un producteur catalan qu’on a eu du mal à prendre en défaut sur ƒIN. Musicalement, on vogue ici aussi dans un univers aux confins de la house élégiaque, de la baleraric contemplative et de la sytnh-pop mélancolique.
Malheureusement, nulle part sur Changing Days on ne retrouve les qualités mélodiques nécessaires pour contrer un ennui qui guette dès les premières minutes d'écoute. Probablement trop occupé à concevoir son disque comme un tout cohérent (ce qu’il est), Mano Le Tough privilégie la forme au fond et nous livre une coquille creuse. Belle mais creuse.
C’est dommage, car on sent que le bonhomme s’est investi corps et âme dans un disque sur lequel il va même jusqu’à pousser la chansonnette sans se vautrer. Mais voilà, Changing Days ne décolle jamais et à l’arrivée, ce que l’on regrette, c’est le nivellement par le bas qu’a entraîné le passage au format long. Et quand on se rappelle combien Mano Le Tough a su nous en mettre plein la vue avec ses singles, on ne peut que lui conseiller de revenir à un format moins ambitieux certes, mais qu’il maîtrise bien mieux…