Cement Postcard With Owl Colours
Phantom Buffalo
L'histoire de Phantom Buffalo est celle d'un groupe plutôt modeste qui trace son chemin dans le sillon dangereux de la pop américaine. Assimilés à leurs camarades des Shins ou des Unicorns dès le début de leur carrière en 2002, ces gars de Portland n'ont pas vraiment eu la chance de se faire une place au soleil sur leurs deux précédents opus, Shishimumu et Take to the Trees. Heureusement pour eux (et pour nous), ce nouvel album dont l'ambiance rappelle le meilleur du collectif Elephant 6 (Neutral Milk Hotel, Apples in Stereo, Olivia Tremor Control…) leur permet de se démarquer avec style et de réaliser une belle percée.
Par leur atmosphère rêveuse, leurs belles compositions et leurs arrangements judicieux, les Phantom Buffalo s'inscrivent en dignes héritiers de Neutral Milk Hotel, et ce jusque dans la voix qui rappelle celle de Jeff Mangum. Mais il serait plutôt injuste de ne les mentionner qu'en comparaison avec leurs prédécesseurs, tandis que leur style très personnel éclôt enfin et se développe pleinement. Cement Postcard With Owl Colours est un album évident, aux frontières de l'easy-listening (refrains catchy, envolées accrocheuses), mais ce n'est pas pour autant un album de la première écoute. À trop voir ses évidences, on en oublierait presque ses subtilités. On apprend véritablement à l'aimer après quelques écoutes, quand derrière ses quelques faiblesses se dévoile de véritables capacités à nous embarquer.
L'album débute véritablement sur le deuxième morceau, "Greenstar Botanical Airway", d'une puissance et d'une force indéniables, et qui semble contenir plusieurs partitions. L'ambition de ce disque est manifestement d'envahir le paysage pop en une dizaine de morceaux, plutôt longs mais tellement fédérateurs. C'est un sentiment d'osmose totale qui se détache de Cement Postcard With Owl Colours, celui d'avoir écouté une galette qui marche de bout en bout, ponctuée de véritables moments de grâce (à l'instar du très beau "Weather the Weather"), douze morceaux dans lesquels la magie opère de bout en bout. L'une des qualités majeures de Phantom Buffalo c'est de ne jamais lâcher prise, et d'offrir un album de qualité égale, sans jamais s'essoufler, ce qui est suffisamment rare pour être applaudi. Les influences sont tour à psychédéliques, pop, rock, ce qui donne à l'arrivée un magma très ragoûtant. Cement Postcard With Owl Colours atteint son point d'équilibre sur "Trinket Shop", qui finit de nous conquérir, avec cette question latente: mais où étaient les Phantom Buffalo avant 2011 ? En tous cas, on n'a plus l'intention de les lâcher après ce troisième essai en forme de réussite. Le tout est fait avec une innocence qui ne se refuse rien : ruptures de rythme, refrains ultra raccoleurs ("Frogman"), paroles loufoques, le tout fait dans une ambiance bon enfant. On en redemande.
Cement Postcard With Owl Colours est un vrai album de proximité, entêtant, que l'on a envie d'écouter en boucle et dont on se gardera un exemplaire sous le coude pour les mauvais jours. C'est surtout un album qui nous fait rêver sur l'avenir de la pop, et qui place les Phantom Buffalo comme nouveaux espoirs du genre au même titre que Grizzly Bear ou Deerhunter. Alors oui, on attend le prochain opus de pied ferme, conscients que celui-ci devrait facilement occuper nos courts mois d'été.