Ce monde est cruel
Vald
Pas facile d’être la tête de gondole du rap français en 2019. Soit on tourne en rond pour brosser son public dans le sens du poil (Ninho, Niska, ou JuL le font admirablement bien), soit on voit plus grand et on prend des risques, pour le meilleur, mais souvent pour le plutôt mauvais (les derniers albums de Roméo Elvis ou Lomepal pour n'en citer que deux). Vald, avec un Ce monde est cruel taillé pour exploser les charts et les compteurs à streams, a pris la pire des deux trajectoires qu’empruntent ses confrères : faire beaucoup de vent pour au final sortir un album fade et creux.
Annoncé comme un album concept avec un message tellement profond qu’il peut se réduire à son titre, Vald aura au moins réussi à ouvrir les yeux de ses fans prépubères. Pour celles et ceux plus aguerri·e·s qui ont passé l’âge d’écouter du Lord Esperanzah, on y découvre un Vald rincé et peu inspiré, dont la priorité première est de s'installer comfrtablement dans son rocking-chair, du haut de sa pyramide, loin des hommes et de leurs patterns. À part deux featurings réussis (un grand merci à Maes et à l’éternel side-kick Suikon Blaz AD) et un hymne fédérateur (« Rappel »), on peine à y trouver quoi ce soit de mémorable : que choisir entre des ritournelles indigestes (la plupart des morceaux), de l’introspection gênante (sérieusement, qui réécoute « Pourquoi » ?) et un cynisme amer et froid qui plombe l’album (quand il ne tombe pas dans le mauvais goût le plus crasse, comme sur « Pensionman ») ? À la trappe, les lyrics impactants, les jeux de langage, et les références absurdes ! Faites désormais la place à un propos terne, aussi redondant que l’album de Chance The Rapper et donc absolument dispensable.
Pour ne pas arranger les choses, les prods de Seezy, même si elles sont souvent de bonne facture, ont beaucoup trop tendance à jouer la carte de l'originalité à tout prix, ce qui laisse les prestations de Vald au second plan. On a même parfois l’impression que ce dernier bricole en urgence un flow pour habiller plus ou moins bien la prod (on devine les sessions laborieuses pour en arriver à un résultat qui manque de naturel). Cet accent mis sur les mélodies entêtantes aura au moins le mérite de faire glisser l’écoute de l’album sans se soucier le moins du monde des lyrics. Si Xeu était un excellent album de Vald feat. Seezy, Ce Monde est cruel ressemble malheureusement plus au premier album de Seezy feat. Vald. Dans ce cas, en effet, nous avons devant nous un très bon album.