Castlemania

Thee Oh Sees

In The Red – 2011
par Pauline, le 30 mai 2011
8

Quand on a quitté les Américains de Thee Oh Sees il y a un an, ils venaient  d'enchaîner un nombre assez conséquent de disques (albums, live, démos,...), dont deux parfaites réussites : The Master's Bedroom is Worth Spending a Night In et Help. Thee Oh Sees, c'est le projet de John Dwyer, qui a pris tour à tour le nom de The Ohsees, OCS, Orinoka Crash Suite... Tous ces projets ont en commun de jouer entre la fine ligne qui sépare rock fou et furieux, pop mélancolique et expérimentation bruitiste. Il n'y a pas vraiment de logique qui plonge Thee Oh Sees dans l'un ou l'autre de ces bains, mais ils mélangent souvent les trois genres avec beaucoup d'adresse.C'est un groupe qui joue très volontiers sur les codes et sur l'imagerie garage, et qui s'est fait une place de choix dans le paysage rock indé américain il y a deux ans, en plein revival garage rock.

Ce qui frappe - et du coup, plaît - chez Thee Oh Sees, c'est leur énergie brute, leur manque de sérieux et leur spontanéité apparente. Dwyer est d'ailleurs plutôt doué pour écrire des morceaux parfaitement catchy aux arrangements bien dosés, et ce avec une humilité désarmante. Thee Oh Sees a aussi su bien s'entourer, s'acoquinant avec deux des meilleurs labels de pop actuels : Captured Tracks (Brooklyn) et In The Red (Los Angeles). C'est surtout sur scène que Thee Oh Sees a gagné du grade. Ils ont peu tourné en Europe, mais ils ont bien tourné, et partout où ils sont passés, ils ont laissé une empreinte durable.

Après la transition Warm Slime en 2010, Thee Oh Sees revient avec Castlemania, décrit par Dwyer lui-même comme "sumery poppy". Cet album est résolument pop, c'est indéniable. On y trouve même des trompettes, c'est dire. On ne dira toutefois pas que Dwyer a fait l'école de pop avec Belle & Sebastian, lui qui préfère un esprit DIY qui évoque Brian Jonestown Massacre ou Captain Beefheart & His Magic Band période Safe as Milk. L'album est ainsi tiraillé entre des morceaux de guitare acoustique saturée / batterie légère / voix, et d'autres plus courts et plus urgents qui rappellent Help. Sur "I Need Seed", la perle de pop saturée "Corrupted Coffin", "If I Stay Too Long" ou "Corprophagist", les Thee Oh Sees s'amusent avec beaucoup d'intelligence et ne sont pas avares en clins d'œils à une pop racôleuse avec laquelle Dwyer joue volontairement. A côté de ça, il y l'urgence et la rapidité de titres comme "Stinking Cloud" ou "A Wall, A Century 2" pour bien rappeller les origines. Et au milieu de tout ça, quelques ovnis plus expérimentaux, qui démontrent encore une fois que si l'on sait où commence Thee Oh Sees, mais qu'on ne saura jamais où ils terminent.

Castlemania est un album rapide, fort, efficace, qui évolue à mesure de l'écoute. C'est un regard du groupe sur le passé, et une forme de promesse pour le futur de ne jamais s'arrêter. On ne sait pas si le groupe restera aussi prolifique, mais on peut au moins compter sur eux pour se réinventer et tenter de ne pas s'essouffler. Là où Warm Slime n'avait pas marqué les esprits, Castlemania est le parfait "album pop" de l'été dont parlait John Dwyer. Celui qui, comme Help, restera.