Caravan
Nick Power
Chaque année, les froides morsures lâchées par les vents d’automne s’accompagnent d’une irrépressible envie de s’enfermer entre les quatre murs de son salon, mettre quelques bûches dans une cheminée et se lover dans un vinyle de saison, à peine troublé par le ronflement apaisé de son fidèle canidé. Malheureusement, pour nombre d’entre nous, la vie urbaine ne nous permet ni ami quadrupède, ni cheminée, ni parfois même salon. Mais haut-les-coeurs, au moins Nick Power nous amène le parfait album pour notre idylle hivernale.
Le claviériste, entre autres, de The Coral, et co-auteur d’une bonne partie de leur discographie, ne nous avait jamais encore gratifié d’un album solo. Ne pensez pas que Power avait profité des pauses des Liverpuldiens pour se payer des vacances aux Bahamas: outre nombre de collaborations dans les efforts solo de ses comparses, l’homme est surtout poète, et il accompagne d’ailleurs Caravan de son troisième recueil. Nous serions heureux de vous livrer un avis sur ledit recueil mais, reconnaissant notre méconnaissance crasse de la poésie d’outre-Manche, nous en resterons au versant musical, on se rattrapera pour le quatrième.
Pendant cette demi-heure, l’Anglais démontre sa compréhension parfaite de la musique folk. Travaillant dans l’atmosphère la plus dépouillée, Power s’appuie sur sa plus grande force: son talent de conteur. Au cours des onze histoires constituant son oeuvre, il réinstalle ce dialogue permanent entre instruments et voix, si cher à son groupe de jeunesse. Les conditions d’enregistrement, dans une caravane au Pays de Galles, donnent à l’album une atmosphère parfaitement dépouillée et un son invariablement artisanal. Chaque ajout ou nouvelle sonorité a un parfum d’évidence (l’harmonica de “Sleeping in my car”, le solo de guitares et les percussions sur la boucle de “What I’d Give”). Le multi-instrumentiste puise dans cette ambiance intime et touche juste à chaque morceau.
C’est justement cette intimité et cette chaleur parcourant le disque qui nous amènent à constamment le relancer. Derrière des emprunts évidents à la culture folk (Simon and Garfunkel surtout, jusqu’à certains arpèges que ne renierait pas The Tallest Man on Earth), Nick Power parvient à insuffler une vraie personnalité à son album. Là où la ré-écoute aurait pu donner une impression de vide due au dépouillement des pistes, elle souligne au contraire l’homogénéité du récit, tout de même parsemé de belles fulgurances (le refrain de “Hurricane”, la suite d’arpèges du conclusif “Last Will and Testament”).
L’homme discret de The Coral restait jusque là dans l’ombre pour mieux diriger la lumière vers ses camarades, il se met enfin sur le devant de la scène. Il le fait comme attendu en catimini: pas de tournées, des interviews plus que rares. La création de Power n’a de toute façon pas été créée dans ce but. Produit par ses potes de Skeleton Key Records, Caravan est un objet personnel, une rareté exclusive, faite pour des moments d’hibernation heureuse caractéristiques de décembre, très loin des ventes et des chiffres mais près de la musicalité.