CAPRISONGS
FKA twigs
À l'écoute de CAPRISONGS, on se rend compte d'une chose: Tahliah Debrett Barnett avait besoin d’une bouffée d’air frais après de nombreuses années passées à jouer le bébé alien que Björk et Kate Bush auraient pu avoir ensemble. Certes, sa musique rehaussait le niveau général de la pop et du RnB actuels par ses ambiances weirdo et ses prouesses vocales. Mais cela lui donnait aussi un côté complexe et particulièrement nébuleux dont elle semblait ne pas pouvoir totalement s’échapper. FKA twigs entretenait son côté énigmatique, voire excentrique, comme pour mieux se cacher du monde qui l’entourait. Ces dernières années, cette carapace s'est toutefois sévèrement fissurée : sa séparation avec Robert Pattinson a été fort médiatisée, et elle s'est ouverte sur les agressions de son ex-compagnon Shia LaBeouf. Aussi, après plus de quinze années d'une carrière commencée en tant que danseuse dans les clips de Jessie J, il était temps de prendre des vacances, de ramener les potes et de regoûter à la liberté.
La décision de sortir une mixtape en lieu et place d'un album démontre bien ce nouvel état d’esprit : le format renvoie à une idée de plaisir partagé, de générosité, de plaisir à expérimenter tout en brossant les fans dans le sens du poil. Une approche perceptible dès les premières notes de l’album, avec ces bruits de cassette qui annoncent le côté plus organique de ce projet. S’ensuivront une grande variété de styles musicaux chapeautée par le producteur El Guincho (l’afrobeat sur « jealousy », l’hyperpop sur « pamplemousse », le dancehall sur « papi bones »), des hits taillés pour la radio (l’imparable « tears in the clubs »), des interludes déjantés (« caprisongs interlude ») ou des monologues sans queue ni tête (« christi interlude »). Certes, la plupart des morceaux sont loin d'être révolutionnaires, mais les formules sont plus lisibles et plus accessibles.
Cette légèreté et ce plaisir retrouvé sont également perceptibles dans les paroles, moins torturées et cryptiques qu'à ses débuts – FKA twigs se permet même une touche d’humour sur « oh my love » où on la découvre frustrée de ne pas intéresser un garçon autant qu’elle le souhaiterait. Et quand elle évoque son parcours et ses tourments sur « which way » et « careless », elle le fait de manière apaisée et bienveillante envers elle-même, comme si elle s’adressait du haut de ses trente-quatre printemps à la toute jeune fille qu’elle était il y a quelques années. Cette douceur et cette sérénité se retrouvent aussi sur « minds of men » où elle aborde le thème des masculinités toxiques avec beaucoup d'empathie, alors qu'elle se serait montrée beaucoup plus véhémente si ce morceau était sorti à l'époque de ses premiers EPs. À l'arrivée, CAPRISONGS est un bon album de pop, tout simplement, qui réussit à être cohérent tout en se montrant bordélique. Si elle laisse de côté le côté avant-gardiste et défricheur de ses débuts, FKA twigs apparait plus radieuse que jamais et son enthousiasme et sa joie de vivre sont absolument contagieux.