Canopy
Great Mountain Fire
Depuis quelques mois, un groupe bruxellois est parvenu à intégrer son nom à la plupart des programmations festivalières. Si nous étions d’humeur persifleuse, nous insinuerions qu’une vague idée du microcosme pop-rock belge francophone suffit à discerner l’odeur du pistonnage au petit matin. Notre cœur saigne d’ailleurs devant la multitude de destins brisés par cette pratique infâmante. Combien de chanteurs ont-ils dû honorer malgré eux une robuste fonctionnaire de la Communauté Française dans l’espoir que décrocher quelques misérables subsides ? Combien de guitaristes ont-ils dû humblement faire appel à un cousin déjà couronné alors qu’ils étaient déterminés à parvenir seuls au sommet ? Combien de batteurs ont-ils été contraints de partager des hectolitres de bières avec une poignée de journalistes vaniteux afin d’en soutirer quelques lignes élogieuses ? C’est vraiment trop moche.
Et puis on tombe sur le groupe en question lors d’une de ses nombreuses apparitions sur scène… et on se réjouit de constater qu’il y en a au moins un qui mérite réellement ses passages radio. Parce que la bande a simplement l’air heureuse d’être là. Le genre à jouer avec le même enthousiasme devant un clan mormon ou une tribu papoue. Juste après s’être tapé la cuisse en se lançant des gages bien cons autour d’une fondue savoyarde. On ne les imagine pas vraiment bastonner l’un d’entre eux backstage si celui-ci a eu le malheur de trébucher sur une note. Et puis, en plus d’avoir l’air sympathiques, ces gars-là ont le talent de nous faire danser alors qu’on découvre à peine leurs chansons.
Post-punk, disco, chorale tropicale, gang bang pop. Dans le fond, on s’en fout un peu. C’est décomplexé et ça donne envie de se retrousser les bas de pantalons. Les morceaux ont dû vachement mariner dans les sandales pour parvenir à ce niveau de coolitude. Cool et couillu. Surtout lorsque le groupe interrompt la beach party avec un interlude épais et métallique ("Canopy") avant de repartir ensuite l’air de rien, genre "désolé, j’avais perdu mon verre de contact dans mon mojito." Le coup du synthé cheap au début de "Rrose Sélavy" aurait dû nous pousser au meurtre mais notre esprit s’égare déjà dans des projets nettement plus polissons. "Swans", "Gipsy Father", "Antiparos", tout cela ne ressemble pas à du boulot de débutants. Sur les onze chansons, à peu près tout se siffle. Et pourtant, c’est pas de la tarte à composer, des chansons qui se sifflent…
Canopy n’est pas un disque qu’on achète avec nos résidus de patriotisme, pour jouer les mini-mécènes au service des groupes du terroir. Au contraire, on l’achète parce que c’est universellement bon. Great Mountain Fire aurait tout aussi bien pu être anglais, canadien ou lapon. Dans tous les cas, les filles s’éclateront devant leur miroir sur "Late Lights" et les gars glisseront "Breakfast" pour appâter les filles qui s’éclatent devant leur miroir. Tout le monde y gagne.