Call of the Void
Lumerians
2018 sera-t-elle enfin l’année de la mise sur orbite de Lumerians ? Coincé sur une scène revival psyché californienne plus embouteillée que l’autoroute du soleil un 31 juillet, les résidents de la baie de San Francisco ont beau enchaîner les albums d’excellente facture depuis le fabuleux Transmalinnia sorti en 2011, ils ne sont jamais parvenus à sortir de l’ombre de leurs encombrants voisins de Wooden Shjips, Sleepy Sun ou même The Soft Moon. The Soft Moon dont le leader Luis Vasquez a d’ailleurs un temps assuré les percussions chez… Lumerians. Petit monde.
Sur papier, le CV de Lumerians présente cependant tous les atouts du mouton à cinq pattes: 7 albums à ce jour, la plupart signés chez les références du genre (Cardinal Fuzz, Knitting Factory, Hands in the Dark, Fuzz Club), des artworks d’une rare élégance et une présence remarquée sur les plus grands festivals psyché de la planète (Liverpool International Festival of Psychedelia, SXSW, Austin Psych Fest, Psycho Las Vegas, Roadburn). Et pourtant, le groupe d’Oakland semble condamné à se contenter d’un rôle d’éternel outsider. L'histoire de Lumerians, c'est un peu celle de ces joueurs de foot, étiquetés meilleurs espoirs à vie, qui passent d'un grand club à l'autre sans jamais vraiment concrétiser les promesses aux yeux du grand public.
Après quatre années de silence radio inexpliqué, Call of the Void va-t-il changer la donne ? Très peu probable. Lumerians y répète une recette maîtrisée sur le bout des doigts: un kraut spatial né de l’union improbable de Can et Hawkwind, biberonné aux lignes de basse entêtantes, aux synthés délicieusement rétro et aux rythmiques mécaniques héritées de Neu!, avec toujours ces voix en retrait, pas vraiment du spoken word mais pas vraiment du chant non plus. C’est peut-être d’ailleurs là le problème de Lumerians: des compos objectivement excellentes, mais auxquelles il manque parfois cette petite étincelle putassière qui te laisse une chanson dans l’oreille pour le reste de la journée. Ils y étaient pourtant parvenus avec brio sur Transmalinnia (avec les bouillants « Burning Mirrors » et surtout « Black Tusk »). Depuis lors, le groupe a préféré renoncer au single qui fait mouche pour se concentrer sur la cohérence de ses albums, n’hésitant jamais à explorer des facettes plus expérimentales, quitte à carrément faire la nique aux clichés du genre. Personne ne place un clap sur des guitares fuzz avec l’aplomb de Lumerians.
Même constat sur Call of the Void, album irréprochable de la première à la dernière seconde, mais duquel n’émerge aucun hymne percutant. Le single « Silver Trash », pourtant poussé par le label avant la sortie de l’album, apparaît même comme l’un des plus faibles du disque, englué dans une new wave cosmique sans grand relief. Dommage, parce que Lumerians reste un de ces grands groupes, bosseurs dans l’âme, pas franchement attirés par la gloriole, qui construisent disque après disque une œuvre qui fera date à défaut de faire des vagues. Des disques souvent pressés en tirages limités, qu’on s’arrachera à prix d’or dans quelques décennies, pour le plus grand plaisir de quelques férus collectionneurs trop heureux d’avoir déniché une perle passée inaperçue de son vivant. Chienne de vie.