Burnt Offering
The Budos Band
Le propre des grands groupes de rock instrumental, c'est de parvenir à faire oublier à l'auditeur les procédés machiavéliques qui résident dans la performance vocale d'un(e) interprète. Depuis 2005, on peut dire que le Budos Band de Staten Island est loin de faire pâle figure dans cette scène bien casse-gueule, qui nécessite une science du groove à toute épreuve. Mais jamais celle-ci n'a jamais trouvé meilleure déclinaison que dans leur dernière boule d'encens, mystérieusement appelée Burnt Offering.
Encore une fois, on peut constater qu'on a décidément du flair au label Daptone (l'écurie ultime des Bougeurs de Cul au XXIe siècle). Car même si les musiciens du Budos Band séduisaient par leur maîtrise instrumentale sur leurs premiers albums, on ne peut pas dire qu'ils arrivaient à égaler l'extase que suscitaient chaque intervention des Daptones, le groupe attitré du label qui assure l'entretien des fourneaux derrière tous les albums de Sharon Jones, reine incontestée de la pure soul actuelle. Tout au plus s'est-on surpris à dodeliner de la tête sur les afro-beats hypnotiques de la troisième offrande du groupe, sobrement appelée Budos Band III. Mais ça, c'était avant. Car il semblerait que les gaillards aient maintenant trouvé la formule magique qui prend en otage l'auditeur, le fout à poil et le laisse dépourvu de repères spatio-temporels.
Ainsi, tout au long de cette grande messe ésotérique récitée dans le langage ancien du rythme-qui-tue, on a droit à un funk sombre, lunaire, presque doomesque dans laquelle les incantations sont le fait de guitares fuzzées incandescentes signées Thomas Brenneck, de cuivres chauffés à blanc et d'orgues marécageux. Le résultat donne une musique (enregistrée live, s'il vous plait bien) qui convoque les spectres de James Brown, inévitablement, mais aussi les guitares pleines de reverb du surf rock des sixties, le ghetto-funk mis en avant par la Blaxploitation mais aussi Black Sabbath au vu des progressions d'accords favorisant les tritons, intervalles musicaux qui furent bannis au Moyen-Age comme étant les effets du diable en personne. D'ailleurs la pochette - je remercie mon radar à mauvais goût qui est manifestement tombé en panne le jour où je suis tombé dessus - est loin d'être anodine: on tient là un authentique disque de doom-funk. Le rythme lugubre, inexpugnable et ultime, soit la musique qui se rapproche le plus des rituels vaudous de la Nouvelle-Orléans, des pow-wows amérindiens et des rituels zoulous ancestraux. Oui, rien que ça.