Buoys
Panda Bear
Instant vieux con : voilà déjà dix ans que le très beau Merryweather Post Pavillon d’Animal Collective est sorti. Une éternité passée en un clin d’œil, qui nous rappelle que le temps file et que d’une manière ou d’une autre, nous sommes tous soumis à sa cadence militaire. Force est d'ailleurs de constater que ça fait aussi une décennie que le groupe de Baltimore enchaîne les disques au mieux quelconques, au pire franchement pénibles. Il ne propose en tout cas rien de suffisamment attrayant pour rallier à leur cause les fans de freak folk partis trouver du réconfort chez Xiu Xiu, ou même ceux qui les ont découverts sur leurs frasques pop. Et si on ne doute nullement de l’honnêteté de leur démarche, on ne peut que constater qu’ils n’ont simplement plus leur légendaire inspi d’ailleurs qui a fait d’eux ce groupe si important à la toute fin des années 2000.
De son côté, on ne sait pas quel rapport Noah Lennox entretient avec le temps, lui qui a fêté ses quarante berges l’an passé. Mais à lire ses dernières interviews, on ne s’inquiète pas trop : il semble vivre à l’heure portugaise et coule des jours heureux avec sa femme et ses deux enfants dans les petites rues de Lisbonne, loin de la crise de la quarantaine. Lui-même semble se rendre compte qu’il a atteint un certain statut dans sa musique, au point où ça ne le dérange plus de partir en tournée pour rejouer de vieux disques à lui dans leur intégralité. Alors qu’est-ce qu’on peut bien attendre d’un sixième disque de Panda Bear ? Des remises en question, peut-être. Pourquoi pas de l’audace. Disons-le d’entrée de jeu : il n’y aura à peu près rien de tout ça. Mais si l’on ose donner une chance à Buoys, on peut se noyer dans un album bien plus profond qu’il n’en a l’air.
Car non, le temps n’a nullement remis en question l’optimisme solaire qui règne dans la tête et la musique de Panda Bear : c’est toujours ce one man choir qui joue des mélodies accrocheuses, avec cette efficacité qui rivalise avec les harmonies de Brian Wilson ou Paul McCartney. Et à bien des égards d’ailleurs, son Buoys se veut comme la suite directe de Tomboy, ce disque inégal, mais aux moments charmants ("Surfer’s Hymn" <3) qui a eu la lourde tâche de faire suite à Person Pitch et sa drogue auditive nourrie de samples, de field recordings, et de chœurs fantomatiques. Mais contrairement à son aîné pourtant, Buoys propose un impeccable fil conducteur et une production moins brouillonne et plus lumineuse, et qui ne trahit nullement son exceptionnelle économie de moyens. Elle épure même ses mélodies de toute superficialité susceptible de rompre l’écriture apaisée et imperturbable qui règne sur cette demi-heure de musique.
Si musicalement le disque est peu aventurier et que sa prise de risque est mesurée – une pointe d’autotune sur les hululements de "Master" et un clin d’œil réussi à Serge Gainsbourg sur "Inner Dialogue", c’est a peu près tout – Panda Bear semble avoir retenu les erreurs de son groupe et n’a plus l’ambition d’ouvrir sa musique à de nouvelles expérimentations vaines. En fait, Buoys est plutôt l’affaire d’un musicien épanoui, qui prend du plaisir à maîtriser son art sur un disque de folk plein de sérénité et de couleurs, rappelant par moments les films de Wes Anderson. Une belle surprise qui nous donnerait presque envie d’aller voir du côté de l’autre frontman d’AnCo, Avey Tare, qui a lui aussi sorti un nouveau disque solo.