Bronco
Orville Peck
Si la country est aussi bien vue dans nos contrées qu'une fricadelle à la carte d'un étoilé, elle reste ultra populaire aux States, notamment parce que le genre a réussi sa mue auprès du très grand public grâce à des artistes comme Taylor Swift ou Kacey Musgraves, qui ont su se libérer des carcans et des clichés habituels pour devenir de vraies popstars. Mais aujourd'hui, celui qui incarne le renouveau dans le genre se nomme Orville Peck.
Affublé d'un masque cet affichant une homosexualité aussi flamboyante que celle de Lil Nas X, le Sud-Africain basé au Canada compte bien bouleverser un genre musical parmi les plus conservateurs. Certes, il dispose d'hymnes à la Garth Brooks, mais il y a bien des moments où l'introspection et la solitude s'insinuent dans ses textes, tandis que sa musique prend un ton lancinant et mélancolique – son premier album, Pony, faisait dans la country gothique construite sur une rythmique post-punk.
En dépit de la pochette résolument plus sombre, Bronco est infiniment plus dynamique et joyeux que son prédécesseur. Le mélodrame est toujours présent – l'amour restant le sujet de choix – mais Peck enrobe ses chansons d'atours plus pompeux tout en éliminant la froide influence du post-punk. C'est grand, c'est couillu, c'est parfois pompeux, mais la place laissée à la dynamique sonore ainsi qu'aux talents de conteur du bonhomme font qu'on ne sombre pas dans la lamentation. Orville Peck témoigne de la même complexité émotionnelle que Nick Cave, n'hésite pas à invoquer Elvis Presley, et passe du bluegrass aux tendances les plus rednecks de la country avant de signifier son amour pour le psychédélisme que le genre embrassa dans les années 70.
Cependant, certaines chansons sont presque impossibles à distinguer du carcan "yeehaw la country" que nous autres non-Américain·es raillons depuis belle levrette, et c'est là qu'on pourrait reprocher à Orville Peck d'avoir cédé à l'appel de la célébrité. Non pas que la démarche soit préjudiciable en soi, mais l'enchainement de titres n'accomplissant rien qui n'ait déjà été fait diminue l'expérience globale de l'album. Des chansons comme "The Curse of the Blackened Eye" et son psychédélisme inspiré du Grateful Dead, "Outta Time" et ses inclinaisons soft rock, ou "C'mon Baby, Cry" et son gigantesque refrain, auraient mérité mieux que d'être entourées d'une demi-douzaine de ballades à l'eau de rose. Si Bronco amènera plus d'auditeurs à la musique de Peck, la proposition demeure dans l'ensemble moins robuste que Pony. Les envies de succès ont apporté le glamour et les paillettes, mais ces accoutrements ne doivent pas occulter la beauté inhérente de la proposition musicale en démonstration. Il ne reste plus qu'à allier amour du show biz, subversion, et songwriting dans un ensemble compact et consistent, et là plus ne l'arrêtera.