Britpop
A.G. Cook
Pour comprendre A.G. Cook, il faut comprendre l’humour anglais, aimer cette attitude qui consiste à malmener son interlocuteur tout en se foutant royalement de sa gueule. A.G. Cook est anglais, et l'humour, il aime ça. Il n'y a qu'à voir comment il a pris un malin plaisir à subvertir les carcans journalistiques avec ses pastiches (Witchfork, Wandcamp et Wheatport, des sites désormais archivés) qui avaient au passage la bonne idée de promouvoir la musique de ses potes. Son dernier fait d’arme pourrait être le choix du titre de son album : le terme « Britpop » renvoie à un genre musical qui ne veut à peu près rien dire, tout comme « Brit » et « Pop » qui sont des mots-valises qu’on peine à rattacher à une identité. Son jusqu’au-boutisme rigolard va jusqu’à choisir comme pochette de ce triple album un Union Jack à la sauce happy hardcore, façonné par le sous-estimé JSB Maffle.
Au-delà ce cette volonté de partager son univers dans un élan typiquement tongue-in-cheek, A.G. Cook se pose également avec ce nouvel album en historien de son défunt label PC Music, enterré en 2023, et qu'il continue de faire vivre par delà le triptyque temporel (Passé/Présent/Futur) qui structure le disque. Pour ce faire, Britpop bénéficie du concours de quelques figures connues du mouvement hyperpop et/ou de l’entourage d’A.G. Cook (Charli XCX mais aussi Cecile Believe, Alaska Reid, Caroline Polachek, Addison Rae). Leurs voix apparaissent le plus souvent en filigrane des morceaux, quand elles ne sont pas modifiées pour ressembler, comme sur « Prismatic » ou « Equine », à celle de Teletubbies hallucinés.
Mais A.G. Cook sait aussi, comme il l’a déjà démontré dans le passé, utiliser sa propre voix. Sur les très beaux « Nice To Meet You » et « Without » où il rend hommage à son amie SOPHIE décédée en 2021, la voix éthérée d’A.G. Cook sonne comme un hologramme glitché qu’on aurait débloqué suite à la manipulation délicate d’un artefact semblable à celui présent dans la Planète au Trésor. Dès lors, quand A.G. Cook se met à chanter et à faire du rock, ce n’est pas un pastiche, ce n’est pas Lil Wayne sur Rebirth ou Young Thug qui crie « Yeeehawwww » sur le premier track de Beautiful Thugger Girls, c’est tout au contraire pondéré et discret, comme si l'Anglais était confortablement installé dans le backseat de son propre album, conscient de ses limites et particulièrement bien renseigné sur son sujet. Moins de fougue, mais plus de maîtrise, cela donne un album plus digeste que le gargantuesque 7G ou encore meilleur que son pourtant très bon Apple et cela assoie un peu plus A.G. Cook sur le trône du paysage pop actuel.
Seul bémol : le fait que l’album ne se termine pas sur le climax qu'est « Pink Mask ». On imagine que le morceau a été enregistré alors que lui et sa compagne se confinaient pendant la pandémie (les paroles décrivent une atmosphère poisseuse et morbide qui décrit assez bien cette période), et qu’ils n’avaient dès lors rien d’autre à faire que se regarder dans le blanc des yeux. Mais comme nous ne disposons pas de suffisamment de détails pour confirmer cette hypothèse, on se contentera de dire que les chœurs nous donnent à vivre le même sentiment euphorisant que lorsqu’on a enfin l'occasion de pisser après avoir enchainé dix Guiness dans un pub. Décidément, même après une décennie de carrière, le grand escogriffe à l'allure un peu gauche qu'on peut voir mixer dans la Boiler Room de son éternelle partner in crime Charli XCX en a encore sous le coude et n'a pas fini de nous dévoiler tous ses secrets.