Braveface
Esser
N'en déplaise à mes doctes collègues Popop et Splinter, la Britpop, celle qui faisait les beaux jours du public au milieu des années 90, est morte et enterrée. Et ce ne sont pas les nombreuses reformations ou les efforts désespérés de vieilles gloires à bout de souffle de rallumer le feu sacré qui me feront changer d'avis, bien au contraire.
Enfin, la bête n'est pas vraiment morte. Aujourd'hui, si la Britpop existe encore, elle ne puise plus ses sources d'inspiration auprès des seuls Smiths, Kinks ou Beatles. En effet, tandis que des formations comme Oasis ou The Verve s'obstinent encore à jouer de manière plutôt pathétique avec la fibre nostalgique des fans de la première heure, des artistes comme Jamie T ou Lily Allen ont compris depuis belle lurette que le terme Britpop ne devait pas se limiter à la définition imposée par les tabloïds britanniques en plein âge d'or du mouvement. Ainsi, ces jeunes pousses élargissent sans cesse leur champ de vision pour conférer au genre une forme un peu bizarroïde qui ne se limite plus à une pathétique dichotomie Blur/Oasis, mais qui mange à de nombreux râteliers. Dernier artiste en date à rejoindre cette mouvance Britpop en perpétuelle évolution, le jeune Ben Esser débarque enfin après quelques singles nous ayant mis l'eau à la bouche ces derniers mois.
Affublé d'une coupe de cheveux à rendre Morrissey vert de jalousie et s'exprimant avec un accent 'so cockney' qui en rendra dingue plus d'une, cette petite frappe de 23 ans à peine ne réinvente pas la roue mais recycle un nombre incalculable d'influences lui permettant d'accoucher d'un premier album d'une fraîcheur à toute épreuve. Ancien batteur des inconnus Ladyfuzz, ce gamin à l'irrésistible bouille (qui n'est pas sans rappeler celle de Mike Skinner, avec qui il partage un certain talent narratif) n'a pas son pareil pour produire à la chaîne le genre de singles à l'indéniable évidence pop et dont raffoleront les radios ainsi qu'un public plutôt enclin à ne pas se prendre la tête.
On avait ainsi découvert Esser par l'entremise de la bombinette "Headlock", playlistée par les prescripteurs des 2 Many DJ's et renvoyant directement au "Loser" de Beck – la gouaille anglaise en plus. Mais on réalise rapidement sur les neuf autres titres de Braveface que notre homme n'a rien d'une étoile filante ou d'une hype montée de toute pièce par les pontes de Transgressive, label éminemment sympathique qui nous a notamment servi le Antidotes de Foals ou le How We Became de Jeremy Warmsley. Compact et sans le moindre temps mort, Braveface est un album aussi référencé qu'imparable qui expose au grand jour le talent d'écriture d'un mec qui se plait à piller sans vergogne l'héritage laissé par Blur ou The Jam pour le rehausser d'une sauce ultra épicée, faite d'electro, de hip hop ou de dub.
Contenant trop de singles potentiels pour tous vous les citer (pour faire simple: il n'y a que ça), nous nous bornerons à vous conseiller vivement d'acquérir dans les plus brefs délais votre exemplaire de Braveface, bien beau disque qui risque fort de rythmer votre été comme le Alright, Still de Lily Allen l'a fait en son temps.