Born A Loser
Myd
Entre montée des extrêmes et montée des eaux, avènement des algorithmes et idiocratie généralisée, le futur n’a pas la cote en 2021. Les meilleurs auteurs de SF vous le diront : le futur c’est has been et il faut être fou, ou simplement con, pour rêver encore de voitures volantes. Et s’il y en a bien un qui le sait, c’est ce joyeux drille de Myd qui, après avoir été obsédé par le futur avec son Club Cheval, a tout plaqué pour rêver de Californie, de guitares branleuses et de shorts en hiver.
En 2021, voilà où en est Quentin Lepoutre, après avoir offert des tubes pour SCH et Squeezie : c’est un anti-héros French Touch qui emprunte beaucoup aux memes internets et qui, même s’il fait danser les gens, se rêve secrètement plus proche des grands écarts d’Haruomi Hosono que de la réputation des Daft Punk. Une mue entamée avec l’EP All Inclusive en 2018 qui se poursuit cette année avec la parution de son premier album Born A Loser, toujours sur Ed Banger. Rien d’étonnant là-dedans d'ailleurs : il n’y a que l’écurie de Pedro Winter pour comprendre les liens secrets qu’entretiennent la musique électronique et les musiques à guitares.
Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le mec s’est plié en quatre depuis un an, au point qu'il est difficile d'ignorer sa trombine : il a enchainé les livestreams mongols pendant le confinement (les fabuleux Comyd 19), a brodé toute sorte de pranks, et a même contribué récemment au premier morceau participatif au monde dans les locaux de Radio Nova. Un joyeux cirque dans lequel le Lillois a tellement excellé qu'on en oublierait presque qu'il a enchainé les singles de qualité, entre "Together We Stand" avec son clip merveilleux et son remix par Bullion, ou ce "Moving Men" en compagnie de Mac De Marco, peut-être le refrain sifflé le plus catchy depuis le "Love Generation" de Bob Sinclar - que l'intéressé a lui-même remixé d'ailleurs. Pour celles et ceux qui se demanderaient par contre si le moustachu est aussi drôle sur internet que sur disque, on répondra que fort heureusement non : il se révèle même très sérieux dans son envie de faire des chansons qui font beaucoup, beaucoup de bien, dans une époque où, tout va plutôt très, très mal.
Car Born A Loser, on en est sûrs désormais, est le disque qui va affranchir Myd de son statut de producteur pour embrasser celui, plus envié, de songwriter. En somme, pensez à James Blake lorsqu’il a révélé son falsetto fragile après quelques grosses sorties dubstep. Vous y êtes ? Alors maintenant, troquez le background bass music froid contre un gros verre de Ricard bien frais, une odeur de pin et des caleçons de bain à fleurs. Voilà à peu près ce qui vous attend sur Born A Loser : c’est l’été dans une année où l’hiver et les incertitudes n’en finissent plus, un concentré de cool qui comprend autant d’hymnes ensoleillés qu'un disque de JuL, et qui offre un cocktail parfaitement équilibré entre une house survitaminée et une électro-pop qui pêche à la mouche. Une seule écoute suffit en tout cas à valider ce virage à 180° du Parisien, dans ce disque qui ressemble tantôt à du Metronomy qui aurait oublié de se regarder jouer ou à du Mac De Marco joué à 125 BPM. Enfin et surtout, c’est LA réponse franchouillarde qu’on attendait à toute cette pop bricolée et enjouée qui inonde nos playlists, d’Andy Shauf à Matty en passant par Benny Sings.
Surtout, Born A Loser est un disque qui ne cache pas ses ambitions : armé de tubes, Myd veut aller bien au-delà du public de We Love Green et de Quotidien pour toucher tout le monde, ta meuf comme ta belle-mère, ta cousine influenceuse comme ton collègue de bureau que tu peux pas sentir. Y parviendra-t-il ? On n'en doute pas trop : il sera probablement, avec le rosé pamplemousse, le meilleur atout séduction pour rendre les bouchons du 15 août un peu plus sexy cet été. En ce qui nous concerne en tout cas, nos cœurs ont déjà élu Myd produit de l’été et solide candidat au podium des meilleurs albums de 2021.