Bon Iver
Bon Iver
Est-il encore nécessaire de raconter l'histoire du premier album de Bon Iver? Mais si, le mec triste qui s'est enfermé dans une cabane pour écrire un album touchant. De la folk guitare/voix/nature dans la plus pure tradition du genre. Tel un Walden bravant les éléments, Bon Iver nous sortait une sorte de testament amoureux vraiment bien vu et qui emportait tous les suffrages. Review dithyrambiques, concerts complets... Bon Iver réussissait sur tous les tableaux.
Depuis, la folk nous a offert sur un plateau d'argent le projet Timber Timbre, qui a envoyé Bon Iver et consorts valdinguer avec ses deux récents albums d'une beauté désarmante. Une fois que l'on a goûté à l'univers Lynchien de ce Bon Iver bis (cabane, campagne canadienne et tout ça), difficile de revenir au travail de Justin Vernon et de sa petite bande. Il faut en outre dire que leur EP de 2009, Blood Bank, était franchement ennuyeux et dispensable. Le projet Bon Iver ne semblait pas trouver ses marques une fois sorti du format du concept-album. On en venait même à se demander si Bon Iver n'était pas un one shot.
Mais Bon Iver est de retour, et on est bien obligés de donner une chance à Justin Vernon, bercés par le doux souvenir de For Emma, Forever Ago. Déjà encensé par la critique, l'album éponyme de Bon Iver peine pourtant à trouver ses marques. Il oscille entre folk touchante et épurée des débuts ("Holocene"), petites virées country ("Tower"), road trip américain à la Sufjan Stevens ("Minnesota, WI") et arrangements douteux qui rappellent Phil Collins, ou Peter Gabriel dans leurs mauvais moments. Le problème majeur de cet album, ce n'est pas son songwriting, qui reste correct, mais bien ses arrangements. Ca et l'amour étrange de Justin Vernon pour l'autotune (sûrement un souvenir de sa collaboration avec Kanye West) sont les deux éléments qui dérangent vraiment. Soit, Justin a envie de donner une certaine profondeur à sa voix et d'explorer de nouveaux horizons, mais il y a des idées intéressantes, et d'autres que l'on ferait mieux d'oublier tout de suite. A ce titre, "Beth/Rest", morceau final, est un ovni peu râgoutant qui clôt cet album sur un goût amer et on réalise que les petites expérimentations de Bon Iver font parfois grincer les dents et sapent la dynamique d'un album plutôt réussi.
Mais trêve de négativité. Si Bon Iver ne se positionne pas vraiment et reste un album somme toute assez neutre, il n'est pas fondamentalement désagréable. Il s'éloigne de la folk pure pour venir se greffer dans une tradition de pop américaine. Il y a une volonté claire de se dédouaner du format guitare/voix, de s'éloigner du microcosme de la chambre de compositeur pour créer une musique de groupe, plus ample et plus fédératrice. Ce n'est pas toujours réussi, mais l'idée est là. On reste cependant en droit de se demander quel genre d'accueil aurait eu l'opus s'il n'avait pas été précédé de l'aura de grâce de For Emma, Forever Ago.