BO YZ
Prince Waly
Après avoir partagé l'affiche avec Myth Syzer sur l'excellent Junior en 2016, et avoir fourni deux très belles pièces de boom bap psychédélique avec les albums L'heure des loups et et Epicerie Coréenne de son groupe Big Budha Cheez, Prince Waly est de retour pour un premier solo en bonne due forme : BO Y Z, nouveau projet 9 titres censé lui faire passer le cap de rappeur pour la blogosphère et les jeunes dans le vent.
Du Prince, tout a été dit ou presque : Ill des X-Men, nineties, revivaliste... Pourtant, il se peut que de nombreux observateurs soient passés à côté de la véritable essence du Montreuil city citizen. Waly est au rap new-yorkais ce que Hamza pourrait être à la trap et au new jack : un esthète, un directeur artistique qui n'aime rien plus que chiner et assembler les références, pour rendre hommage à une époque, à un son. D'où l'incompréhension qui peut exister parfois vis-à-vis de ses lyrics : les mots de Waly ne sont pas spécialement pour faire sens ou raconter quelque chose de personnel, ils fonctionnent davantage comme des stimuli, des tiroirs s'ouvrant tantôt sur tel film de gangsters, tantôt sur telle cinématique de GTA V ou sur tel classique east coast. Une approche qui pourrait ne faire de lui qu'un simple moodboard sur pattes, un produit marketing dans l'air (nostalgique) du temps, si le tout n'était pas clairement magnifié par l'aura lumineuse du garçon.
Sur BO Y Z cependant, le Montreuillois réactualise ce son, de manière à proposer un produit également viable à la génération turn up - et à la nuée de concerts et de festivals qui va avec. Résultat : des bangers chiadés, qui cognent juste là où il faut ("Marsellus Wallace", "Ma chaussure"). Malgré le nombre d'invités réunis au casting (6 morceaux sur 9 au total sont des featurings), Waly parvient à garder la barre grâce à la vision précise qu'il a de son art. Tous les guests présents ici disent quelque chose du maître de maison, de ses goûts, de son univers: TripleGo sont les narvalos du perron voisin ("YZ"), Loveni, le cousin de Bon Gamin, vient jouer le match-retour de "Vinewood" sur le soulfoul "Smoke" et Tengo John, jeune bouffeur de micro qu'il a contribué à faire connaître, livre une prestation de grande classe sur "Rain Man", l'un des highlights du projet. La seule véritable surprise vient peut-être de la présence du groupe Feu! Chatterton sur le morceau-titre, pour l'exercice Ô combien casse-gueule du crossover pop-rap. Spoiler : le défi est relevé avec sobriété et distinction, bien qu'on eût aimé que les deux protagonistes s'empoignent un peu plus par le col - ici, ils font preuve d'un poil trop de déférence l'un envers l'autre. Cela dit, l'écriture intimiste d'Arthur à le mérite d'obliger Waly à parler à hauteur d'homme.
Et ce final ouvre peut-être une piste pour l'avenir : si ce projet est une franche réussite, un pur moment de plaisir - une habitude avec Waly, dont la discographie ne souffre pour le moment d'aucune faute de goût - on reste persuadé que le jeune prince, derrière sa tronche de Nas dans Belly, a davantage de choses à nous raconter que son amour pour Tarantino et pour les sneakers. Ou peut-être qu'on se goure, et que cet emballage luxueux vaut bien mieux qu'une autobiographie insipide. Quoi qu'il en soit, et pour l'avoir invité à performer lors de la soirée célébrant nos 10 années d'existence à Bruxelles en décembre dernier, on peut vous assurer que le projet du Prince se savoure d'autant mieux en live, et que personne ne vous donnera autant l'impression de revivre un showcase de Capone-N-Noreaga de la grande époque. Bref, c'était Queensbridge, comme si vous y étiez. Comme quoi, les couvertures en papier glacé, ça peut être froid et impersonnel, mais ça peut aussi être parfaitement enchanteur pour les sens.