Blood on the Silver Screen

SASAMI

Domino – 2025
par Jeff, il y a 8 heures
5

Il y a une différence fondamentale entre avoir de l’ambition, se donner les moyens de ses ambitions et concrétiser celles-ci. Et le nouvel album de SASAMI illustre bien ce propos. Commençons par l’ambition, ce dont ne manque pas l’Américaine. En réalité, c’est loin d’être un scoop : dès 2019 et un premier album fort abouti, on percevait chez Sasami Ashworth une volonté de percer les strates les plus consensuelles de la pop et du rock pour proposer cet « autre chose » auquel aspire une partie non négligeable du public. Une attitude courageuse, pour ne pas dire frondeuse, qui transparaissait également sur Squeeze, un disque qui n’hésitait pas à flirter avec le (nu) metal. Deux disques globalement salués par la critique donc (mais est-ce que ça veut encore dire quelque chose ?), qui lui ont permis d’avoir les coudées encore plus franches sur Blood on the Silver Screen.

Et c’est là qu’on en arrive aux ambitions, et aux moyens que l’on se donne pour les concrétiser. Entre un premier extrait imparable (« Slugger ») qui donnait l’impression qu’elle se serait bien vu sur le trône de Lady Gaga et un second tout aussi solide (« In Love with A Memory ») en compagnie de l’une des égéries de la nouvelle bedroom pop, à savoir Clairo, on avait le sentiment que ce nouvel album avait été pensé pour franchir un cap, et sortir SASAMI  du circuit des salles de 300 personnes ou des premières parties pour artistes au profil similaire, comme ce fut le cas avec Mitski à l’époque de Squeeze. On ne va pas vous mentir : les amateurs de pop bien faite que nous sommes attendions SASAMI au tournant, mais celui-ci a été aussi finement négocié que la paix à Gaza.

Le problème n’est pas tant la qualité des titres ou leur emballage, franchement réussi, mais plutôt leur incapacité à s’insérer dans un storytelling avec un début, un milieu et une fin (un album quoi) pour nous raconter quelque chose qui fait sens en lieu et place de nous débiter des tranches de pop qui fonctionnent en vase clos. Là où on était en droit d’attendre un disque abouti et cohérent, SASAMI nous sort tout l’inverse : chaque titre remet le compteur à zéro, ouvre des perspectives nouvelles, et tente des choses inédites, tant et si bien que Blood on the Silver Scree ressemble moins à l'idée que l'on se fait d'un album qu'à un ensemble de suggestions faites par l'IA de Spotify. Si on verrait bien l’énergique « I’ll Be Gone » ou le très 90’s « For The Weekend » connaître le succès à la faveur d’un trend TikTok quelconque, et donc offrir à SASAMI une visibilité inattendue mais à la hauteur de son talent réel, Blood on the Silver Screen rate complètement son cœur de cible.