BLKKKK VAN GOGH 2
404 Billy
Avant la sortie du premier BLKKKK Van Gogh, 404 Billy ne posait de problème à personne. Rappeur talentueux avec un penchant pour la cruauté, le foutre et la violence, le jeune homme de Villiers-le-Bel impressionnait sans pour autant avoir trouvé son créneau. Malgré de bons projets participant à un retour d'un rap où la zumba n'avait pas sa place - notamment Hostile (2018) et Process (2019), 404 Billy peine à véritablement marquer les esprits. Sa trap était classique, ses prises de risques inexistantes. On constate a posteriori que l'on appréciait sa musique sans pour autant lui trouver quoi que ce soit d'unique.
De retour sur du boom-bap sombre et grinçant à l'automne 2022, 404 Billy a affiné sa technique et allégé son écriture pour n'en conserver que l'essentiel. Et l'essentiel dans les nouveaux plats qu'il nous concocte, il réside dans le piquant. On ne parle pas de poivre, de piment d'Espelette ou de tabasco, on parle carrément de ce que Ghanéen·e·s ou Togolais·e·s appellent le shito. À tester à vos risques et péril, donc. On en veut pour preuve la première phase du projet sur le morceau "Anti-élite" : "La chose que je regrette le plus ? Facile. C'est quand j'ai fait un freestyle sur une radio de pédophile". Aux vues des milliards de clashs que la station radio "première sur le rap" a eu avec des acteurs de la culture qu'elle dit promouvoir, cela peut paraître anodin. Mais en réalité, les mœurs de Pierre Bellanger n'ont causé que très peu d'émoi dans le rap français ; avant lui, à l'exception de La Rumeur, Booba et Nekfeu, personne n'a osé risquer sa SACEM pour dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas - et encore, les deux derniers cités ont certainement pu mettre plusieurs générations à l'abri avant de se lancer. En fermant la porte aux revenus importants et à une promotion conséquente qui pourraient émaner d'un passage sur Skyrock, 404 Billy explicite clairement son envie de faire cavalier seul, de bâtir sa propre économie sans compter sur de grands groupes et, avant toute autre chose, explicite son envie de liberté de ton et de paroles.
Hors de question de se censurer ou de se compromettre pour plaire au plus grand nombre. Le nouveau rap de 404 Billy sonne comme une succession de tweets aux qualités trollesques (à l'instar d'un 50 Cent qu'il mentionne dans l'EP) qui y vont de leur petit trait d'esprit sur chaque sujet qui fâche. La politique, la religion, les questions de société... Comme Tony Montana dans la scène finale de Scarface, le rappeur du 95 tire sur tout ce qui bouge, mais à l'inverse du plus célèbre des Cubains, lui le fait avec un calme olympien. BLKKK VAN GOGH 2 suit exactement la même recette que son prédécesseur : quatre pistes avec beaucoup de shito avant tout autre chose, mais aussi beaucoup de personnalité et pas mal de name-dropping. Il y a ceux à qui 404 Billy veut témoigner son respect (Jay-Z, EPMD, Makala ou 8ruki) et d'autres sur qui il ne peut pas s'empêcher de vomir (on pense notamment au média Booska-P ou à ce "bon vieux Vegedream").
Si le rappeur se contentait de tirer sur ses confrères, son rap ferait couler beaucoup moins d'encre. La particularité de cette nouvelle version de 404 Billy, c'est son intention d'apporter sa réflexion sur plusieurs sujets sociaux, du féminisme à l'hyper-sexualisation du PAF, toujours avec un filtre anti-progressiste clairement affiché ("la bien-pensance m'énerve, pour ça qu'j'suis anti-woke"). On apprécie avant tout le travail de funambule du Kidvillain qui agence ses morceaux et espace ses punchlines assez intelligemment pour que tout soit audible et cogne au maximum, malgré quelques phrases de remplissages peu heureuses par moments. Dans le fond, évidemment, plusieurs rimes du rappeur sont moralement condamnables, et provoqueront assurément de la consternation chez certain·e·s. On l'a dit auparavant, 404 Billy n'est absolument pas là pour mettre tout le monde d'accord. Il appartient à l'auditeur de se faire son avis sur BLKKKK VAN GOGH 2 et de juger si ce qu'il vient d'écouter lui est agréable ou non. Ou comme dirait Calbo : "Si tu kiffes pas, renoi, t'écoutes pas et puis c'est tout".