Blank Grey Canvas Sky
Peter Broderick & Machinefabriek
La rencontre de Peter Broderick et Machinefabriek se voulait déjà sur papier une promesse d’un grand disque. Le premier a écumé toutes les scènes du monde en pilier du folk/ambient, tantôt sur la structure Bella Union (écurie abritant entre autres Fleet Foxes), tantôt en accompagnateur live d’Efterklang. Le deuxième n’est rien de moins que l’un des producteurs ambient/drone/electronica les plus en vue du moment, passant le plus clair de son temps sur l’excellent label new-yorkais 12k quand il ne nous gratifie pas de collaborations de très haut niveau (notamment le récent Pulses & Places). Toutes les pièces de l’échiquier étaient donc en place pour nous offrir un spectacle d’une grande intensité.
Et Blank Grey Canvas Sky ne se perd pas en phases d’approche superflue, il plonge aussitôt dans les méandres du beau et de l’infiniment touchant. Le programme est simple comme une recette séculière : d’un côté les plages ambient se chargent de résidus électroniques, grondent et tournoient avec légèreté et précision alors que de l’autre côté de la berge, un piano aux allures variables répond avec un doigté et une asymétrie qu’on aime calculée. On pense instinctivement à un Christian Fennesz très en forme qui aurait à nouveau réclamé les services du Japonais ultra-coté Ryuichi Sakamoto (l’ensemble faisant irrémédiablement penser à leur collaboration dans l’album Cendre). Toutefois, il ne faudrait pas en conclure à une relecture sans âme de Cendre : Blank Grey Canvas Sky est infiniment plus folk dans l’âme, s’essaye avec réussite au chant (« Rain »), brille par de superbes plages modern classical (« Kites ») et se débat souvent dans des envolées aux rythmes plus rapides (« Planes »), bien aidé par une orchestration plus variée (violoncelle, drone, guitare, piano et voix). Et quand le risque de voir le disque flâner dans des sentiers trop cotonneux pour lui, le duo sait prendre sait responsabilité et inviter l’auditeur dans un quart d’heure plus escarpé, jouant des coudes au milieu de fractures nettes au son d’une piano multiforme et de commentaires sportifs en boucle en provenance de la BBC, pour un final proche d’un Panda Bear (« Blank Grey »).
C’est cette intelligence là qu’on aime chez ce duo d’un disque, cette tendance naturelle à mêler raffinement et plaisir auditif accessible, bien loin des clichés habituels du genre. Exit donc les tendances à s’écouter jouer, Peter Broderick et Machinefabriek assument leur lyrisme et leur romantisme comme les plus grands compositeurs de notre époque. Les amateurs de belles musiques devraient prendre le temps de s’y arrêter, on tient là une perle qui comptera parmi les plus belles sorties ambient/modern classical/electronica de cette année. Chapeau.