Black Snake : Bande Originale inspirée du film
Various Artists
Il y a des choses que l'on peine plus difficilement à imaginer que d'autres. Qu'une comédie française joue sur les clichés ethniques et emprunte un ton un tantinet raciste par exemple, ça n'étonne personne. Il est néanmoins un peu plus choquant de savoir que le réalisateur dudit film est noir et interprète également le premier rôle. Bon, c'est moins surprenant lorsqu'on sait que cet acteur/réalisateur n'est autre que Thomas N'Gijol puisque ça ne pouvait être que lui ou Lucien Jean-Baptiste. Mais qu'il ait eu la bonne idée de réunir plusieurs artistes d'horizons différents pour concocter une bande originale particulièrement rafraîchissante au pays des César, ça, c'est bluffant. Et le fait que ce soit Skread qui la réalise, ça c'est cool. Très cool.
Black Snake est donc la nouvelle comédie de Thomas N'Gijol, un énième rappel aux noirs de France qu'il est important de puiser dans ses racines pour se trouver, que pour ce faire il faut se perdre, et qu'on peut se moquer de tout si on se moque de tout le monde. Du Thomas N'Gijol dans le texte. Si le format de ses comédies commence à être facilement reconnaissable, la B.O concoctée par Skread ajoute énormément de profondeur à l'intention de base de l'œuvre qu'il co-réalise avec Karole Rocher.
Comédie française oblige, on rit finalement assez peu durant l'heure et demie du long-métrage Black Snake. On se marre davantage à l'écoute de la bande originale lorsque, par exemple, Oxmo Puccino enfile une énième cape dans sa discographie (après celle du "Black Desperado" ou du "Black Cyrano de Bergerac") pour interpréter le rôle de "Jesus Wu". Le clin d'œil à la longue carrière du rappeur parisien plait autant que lorsque Orelsan réutilise sa rage de Jimmy Punchline pour le "White Snake Freestyle". C'est d'ailleurs agréable d'entendre ces deux artistes de renom dans un domaine qu'ils fréquentent moins dernièrement.
Comédie française oblige, Black Snake comprend une histoire d'amour flinguée qui tient misérablement debout et ne sert quasiment à rien dans la progression du récit et de ses personnages. Là encore, la bande originale de Skread sublime le travail de Thomas N'Gijol en invitant le Dinos le plus fragile possible sur le morceau "Parle-moi", clairement l'un des highlights du projet. "See you again" de MHD et Maleek Berry est plus structuré dans sa forme et manipule moins les sentiments de l'auditeur, mais réussit naturellement à provoquer un déhanchement honteux.
Globalement, la réussite de la bande originale tient à cette ambiance afro-caribéenne très justement balancée. Skread réalise un travail de haute volée, bien accompagné par de nombreux acteurs de la diaspora africaine ; du duo parisien Tshegue à ce nomade de Shirazee, auteur de l'excellent "Pepperdem". La bande originale de Black Snake réussit à profiter des ambiances exotiques utilisées par nos rappeurs francophones pour les inscrire dans la musique africaine de 2019. Skread fait un peu ce qu'avait fait Kendrick Lamar il y a un an pour la BO de Black Panther, en jouant la carte du panafricanisme mise au service d'un film moins ambitieux que sa vision artistique.