Bicep

Bicep

Ninja Tune – 2017
par Jeff, le 28 septembre 2017
7

Si la page Wikipedia de Bicep ne mentionne aucune date de naissance pour Andy Ferguson ou Matt McBriar, un rapide petit détour par Google Images nous fait dire que ces deux-là doivent approcher au mieux  la trentaine. Ce qui veut donc dire qu’à l’exception de l’EDM ou du dubstep, ils n’ont pas pu vivre aux première loges les grandes (r)évolutions de la musique électronique, celles-là même qui infusent depuis toujours leur house.

Mais voilà, depuis que les deux Nord-Irlandais se sont fait connaître dès 2008 avec leur blog Feel My Bicep (incroyable catalogue de trouvailles house, disco ou italo), il est apparu que leur appétit pour la grande comme la petite histoire de la musique était total, et que leur soif de progresser en s’imprégnant du travail des héros oubliés comme des monstres sacrés était inextinguible. Mais si ils sont au final nombreux à remettre un travail de synthèse qui sent trop la maladresse, les deux lads de Belfast ont toujours fait montre d’une capacité à digérer leurs influences dans quelque chose de respectueux certes, mais également doté d’une vraie personnalité – leurs EP Just ou Circles en sont d’éclatantes preuves. 

N’ayant plus grand chose à prouver derrière une paire de CDJ (d’ailleurs on se demande encore comment ils ne sont pas passés par la case Fabric ou DJ-Kicks) ou sur un format court leur permettant de faire parler leur science du banger, les deux de Bicep sont passés à l’étape logique pour tout artiste électronique en quête de reconnaissance : l’album. Et c’est l'institution Ninja Tune qui décroché la timbale en signant les deux hommes. Enfin, parler de timbale pour ce genre de projet relève plutôt de la gageure, tant on sait combien il est difficile pour un artiste électronique de livrer un produit qui ressemble à un album tel qu’on le conçoit dans le rock ou le rap, et non à un truc sans âme dénué d’arc narratif. Et à ce seul niveau, on peut dire que cet album éponyme de Bicep est une putain de réussite tant il captive par la façon dont il se développe, joue sur les contrastes, alterne les vitesses et les hauteurs sans jamais filer la nausée, et semble s’inscrire dans une dynamique qui pousse à consommer le disque comme un tout indivisible.

Evidemment, en optant pour une démarche assortie de nombreuses contraintes, le duo accepte de ne pas rentrer dans une course au tube (rassurez-vous, il y en a quand même), de jouer sur des émotions qui n’ont pas besoin d’être excessives. En ce sens, on peut rapprocher cet album de Bicep des deux derniers disques de Moderat, habités d’une vraie ambition de briller dans la globalité de leurs aspirations pop. Ici, c’est plutôt le uk garage, l’IDM ou la techno qui percolent d’un peu partout, mais les visées semblent être les mêmes : pondre un disque avec un belle longueur en bouche, qui invite aux écoutes répétées et donne surtout envie de le vivre en live. Et comme le groupe allemand vient de prendre une pause indéterminée, on se dit qu’il y a une place à prendre dans le cœur des amateurs d’un format pas forcément aimé ou maîtrisé par la musique électronique.

Le goût des autres :
8 Victor