Bible Eyes

Egyptrixx

Night Slugs – 2011
par Simon, le 30 mars 2011
7

La présence d'Egyptrixx dans toutes les bonnes crèmeries est tout sauf étonnante. Après un The Long Way Up EP qui en a fait une des étoiles les plus brillantes de la constellation Night Slugs, David Pstuka finit enfin par accoucher d'un premier LP dont on avait forcément rêvé - un rêve du nom de Bible Eyes qui a failli tourner au cauchemar après avoir été reporté un paquet de fois. Et cette attente – à l'instar d'un titre comme « Liberation Front » paru plus tôt – sera à la base d'un amour fusionnel direct : ce disque, on voudrait l'adorer avant même de l'avoir écouté. Ce décalage entre l'expectative d'un grand disque et le produit final sera sûrement pour beaucoup une source inéluctable de confusion, et sans doute le terreau d'un paradoxe tenace.

Car il est en finalement difficile d'identifier la réalité de ce premier album. Bible Eyes est bon, c'est un fait, mais il est beaucoup plus difficile d'en déterminer les limites. Les points forts du producteur de Toronto sont à coup sûr sa finesse de composition, la synthèse de ses sonorités et la rondeur générale des textures. La mixité des genres ensuite, elle qui avait particulièrement marqué les esprits sur  « Liberation Front », finira de décrire la singularité d'une entité comme Egyptrixx : ghetto-house, techno, dubstep, uk garage, uk funky et kosmische musik; soit autant d'éléments qui en font un véritable produit de la uk bass music 2.0. Si on devait finir d'expliquer Bible Eyes de manière académique, on s'accrocherait à insister sur les ambiances. Car Bible Eyes a tout de la plaque maniaco-dépressive : ça monte haut comme ça retombe très bas, ça y chante et ça y danse de manière mélancolique, hésitant toujours entre des tentations extatiques et des séances de psychanalyse.

Tout cela nous amène à affirmer, et c'est sa grande force, que Bible Eyes est extrêmement cohérent, qu'il se tient comme un produit qui n'appartient qu'à son auteur. Ses couleurs, ses formes, sa structure et ses idées sont assez abouties et singulières pour considérer Egyptrixx comme un grand producteur. Il reste malheureusement que Bible Eyes est une démonstration, un étalage de savoir-faire – avec tous les défauts que cela comporte. Ce disque est un grand bazar, un giclement ininterrompu d'idées, de propositions. Pour suivre l'auteur il faut voir large, agrandir l'objectif pour ne rien rater, ou pour tout simplement se mettre au diapason d'Egyptrixx. Bible Eyes pécherait-il par excès d'ambition? C'est possible, et nous ne nous acharnerons pas contre les derniers libres d'esprit. Cette plaque manque parfois simplement de liant, ce qui aurait transcendé cet enchainement de séquences talentueuses en un véritable ouvrage de littérature courtoise en version électronique. Le peintre a choisi son thème et sa palette de couleurs. Nous, on demeure en lisière de la foret, alors qu'on souhaitait s'y perdre. Egyptrixx nous donne un bon disque, là où il tenait le disque de l'année.

Le goût des autres :
7 Jeff 7 Thibaut