Beware

Bonnie 'Prince' Billy

Drag City – 2009
par Popop, le 6 mai 2009
6

Il y a belle lurette que la sortie d’un album de Bonnie ‘Prince’ Billy n’est plus un événement en soi, mais est-ce une raison pour bouder son plaisir quand débarque, tous les 6 ou 12 mois (c’est selon l’humeur), une nouvelle galette du plus barbu des folkeux américains ? De EPs en collaborations, de reprises en témoignages live, Will Oldham continue inlassablement de tisser l’une des plus impressionnantes discographies de ces deux dernières décennies. Et c’est là que l’on se rend compte que les temps ont vraiment changé : s’il avait débarqué à la fin des années 60 ou au début des années 70, ce type serait sans doute considéré par beaucoup comme un dieu vivant, l’égal de Bob Dylan, de Neil Young ou même de Nick Drake (la légende tragique en moins). Mais voilà, le songwriter a eu beau survivre au grunge, à la britpop, à l’antifolk, au revival rock, à la nu-rave et aux fluo-kids, il reste pour le commun des mortels un illustre inconnu.

Et forcément, pas plus que le très beau Lie Down In The Light de l’an passé, le nouveau venu ne risque guère de changer quelque chose à notre affaire. Il faut dire que malgré sa pochette sombre qui rappelle autant le Tonight’s The Night du Loner que son propre I See A Darkness (chef-d’œuvre intouchable de 1999 – putain, dix ans !), Beware creuse un peu plus le sillon country-folk lumineux inauguré pour la première fois en 2004 avec la compilation Bonnie ‘Prince’ Billy Sings Palace Music. Ainsi, si le disque a été enregistré à Chicago en très bonne compagnie (notamment un ex-Wilco), on y retrouve une ambiance très Nashville, avec cette steel guitar omniprésente et ces cuivres reconnaissables entre mille – auxquels il faut ajouter à plusieurs reprises un saxophone baveux dans toute sa laideur.

Sans trop forcer son talent, Will Oldham aligne donc une nouvelle poignée de classiques, "Beware Your Only Friend" qui ouvre le disque ou "I Am Goodbye", juste histoire d’irriter ses nombreux suiveurs. Mais on trouve aussi de manière plus surprenante quelques titres franchement paresseux, quelques coquilles vides auxquelles le bonhomme ne nous avait guère habitués jusque-là malgré sa prolificité sans faille. On se surprend par exemple à trouver un morceau bassement moralisateur comme "Without Work, You Have Nothing", ou des compositions proches de l’auto-parodie (voire du plagiat) comme "I Won’t Ask Again" ou "You Can’t Hurt Me Now".

Sans être le premier gros faux pas de la carrière du bonhomme, Beware est à l'évidence un disque un peu léger, sorti précipitamment et sans grand enthousiasme – ce qui est encore plus étrange quand on sait que cet album a droit à une tournée promotionnelle en Europe, fait rarissime de la part de l’Américain. En tout cas, dans le registre country classique, on préférera nettement le petit frère à la pochette bleue de l’an passé, et on attendra patiemment la prochaine plongée dans les ténèbres de Will Oldham. Le noir lui va si bien…

Le goût des autres :
7 Nicolas