Beautiful Future
Primal Scream
Le crossover improbable est une tradition pour les Ecossais de Primal Scream. Chacun des 8 albums studio précédemment parus est un mixte osé de deux ou plusieurs styles parfaitement identifiables. On trouvait, par exemple, sur Sreamadelica un mélange entre rock psychédélique et acide house façon « Madchester » à l’heure des Stone Roses. L’ancien bassiste de ces derniers, Gary Moonfield, les ayant rejoints dans la foulée, on ne s’attendra pas à voir l’orientation des choix de la bande à Bobby Gillespie changer du tout au tout ; les excellents Vanishing Point et XTRMNTR sont là pour en témoigner. S’en suivent les plus discutés Evil Heat et Riot City Blues qui singeaient le rock garage des années 60 de façon assez décevante.
Mais Gillespie n’est pas sourd, pas plus qu’il n’est borné et il sait manifestement prendre la balle au bond. Ayant pris note de ce qu’on lui a reproché ces dernières années, il nous offre ce qu’on peut appeler un album ‘contre-attaque’. En effet, avec Beautiful Future, on renoue avec le son eighties qui a fait la gloire de Primal Scream sans renier pour autant les influences noisy et la touche de soul des débuts. Exit les emprunts grossiers et les digressions hasardeuses, Gillespie voulait un album solide, bougeant et digne de la culture éclectique de Primal Scream. « Beautiful Future est un chemin qui traverse les Stooges pour arriver à ABBA… ». J’ai dit « crossover improbable ? »
Et Primal Scream a vraiment mis les petits plats dans les grands pour pondre cet album. En quête d’un son vintage absolu, ils ont pris la route de Stockholm pour enregistrer la moitié de Beautiful Future sur le matériel d’ABBA aux studios Atlantis (il fallait vraiment le vouloir). Bjorn Yttling de Peter, Bjorn and John est venu leur prêter main-forte et il y a beaucoup à parier qu’il n’est pas pour rien dans l’allure résolument pop de cet album. Un choix qu’on ne regrettera pas car Beautiful Future est vraiment bien agencé ; on sent un très gros travail sur les compositions et sur l’enregistrement, travail qui manquait énormément à ce que Primal Scream avait produit récemment. D’ailleurs tout ça sonne très bien, avec une mention spéciale pour « Can’t Go Back » aux guitares bien piquantes et pour « The Glory Of Love » aux synthés ultra efficaces. Au nombre des collaborateurs de pointures, outre Yttling, on compte Josh Homme qui a composé « Necro Hex Blues », Lovefoxxx (la voix de CSS) qui accompagne Gillespie sur « I Love To Hurt (You Love To Be Hurt) » et Paul Epworth, producteur de Bloc Party, qui était également de la partie. Que du beau monde pour du très bon travail.
Primal Scream avait vraiment besoin d’une relecture critique de ses 25 années d’existence et Beautiful Future en est la synthèse. Au lieu de s’enfoncer en remâchant les mêmes mélodies et en dormant sur leurs lauriers, ils nous offrent un album réfléchi et carré qui mérite de faire partie de ce qu’ils ont fait de mieux.