Beacon Of Faith
Baptists
C’est quoi finalement un disque de la « maturité » ? Qu’est-ce qui permet à un groupe d'enclencher la vitesse supérieure ? Doit-on juger la qualité d’un disque à la prise de risques qu’il comporte ? Et peut-on continuer à apprécier un groupe qui ne semble guère évoluer ? Tout un tas de questions qui nous viennent à l’esprit à l’écoute de cette nouvelle fournée de la formation canadienne Baptists.
Soutenus depuis leurs débuts en 2010 par le mastodonte Southern Lord (Sunn O))) évidemment, mais aussi Boris, Earth, Goatsnake, Black Breath ou Pelican), les gars de Vancouver ont déjà sous le coude un premier EP et deux long-formats, les tonitruants Bushcraft et Bloodmines. Que ce soit au niveau des sonorités, de l’artwork forestier, du label ou du producteur (coucou Kurt Ballou), difficile de plus jouer la carte de la continuité. En d'autres termes, le quatuor continue d'usiner des gros parpaings punk hardcore, sans vraiment dévier de sa trajectoire. Pas vraiment incommodant à l’écoute de ce nouvel album froid et violent, mais loin d’être véritablement (sur)prenant sur la durée.
Sur Beacon Of Faith, Baptists creuse encore et toujours ce sillon vicelard lorgnant sur le crust / D-beat, faisant des Canadiens de lointains cousins de Rise And Fall, Trap Them ou de leurs défunts compatriotes de Cursed. Qu’il s’agisse d’agressions punk (« Gift Taker », « Outbreeding »), de passages quasi grindcore (« Absolved Of Life/Spent Cells »), d’ambiances sludge (« Capsule », « Eulogy Template », « Carbide », « Nostrovia ») ou de riffs chaotiques (« Worse Than Hate », « Victim Service »), tous les éléments propres à l'ADN du groupe sont à nouveau empilés sur 13 titres frénétiques vociférés par un Andrew Drury qui nous sert des textes qui, vous l'imaginez, puent bien la défaite. Tout le contraire de la production carrée et inattaquable du vénérable Kurt Ballou - mais qui pouvait en douter ? L'autre grand monsieur du disque est Nick Yacyshyn: c'est lui qui porte véritablement cet album sur ses épaules. Officiant également au sein de Sumac, le batteur dont Dave Grohl est un fan avoué, survole nettement les débats. Technique, nerveux et puissant, son jeu contribue à nous tenir en haleine tout au long de ces 37 minutes plus compactes qu'un rame de métro à Tokyo en heure de pointe.
Des qualités, la bande en démontre donc, mais le fait sans prendre de risques. Et là est le bémol. Car il faut bien le reconnaître, à moins de découvrir Baptists en 2018 (alléluia!), Beacon Of Faith est à peine plus surprenant qu'un édito d'Eric Zemmour sur l'Islam. L'envie et la maîtrise du sujet ne manquent pas sur nouveau défouloir, mais voir le groupe stagner de la sorte nous fout un peu le cafard. Autant que notre incapacité à jauger le potentiel du groupe en live d'ailleurs, lui qui n'a encore jamais mis les pieds en Europe. On en attendait peut-être plus de ce Beacon Of Faith qui ne fait pas encore basculer les canadiens à l'échelon supérieur. Ce qui nous rassure, c'est qu'il ne manque finalement plus grand chose pour que cette continuité assumée ne se mue en véritable réussite.