Bar Mediterraneo

Ces derniers temps, on s'est tellement employé·e·s à se protéger de la chaleur qu'on en a oublié de se demander qui remporterait le titre tant convoité de "disque de l'été", succédant ainsi au Born A Loser de Myd. La question, elle fut vite répondue lorsque les Napolitains de Nu Genea décidèrent de sortir leur second album en plein mois de mai – oui, nous avons du retard, mais nous souhaitions que la plaque passe d'abord l'épreuve des grosses chaleurs avant de prononcer une sentence irrévocable. Malgré son titre d'album qui fait penser à un restaurant mettant du boulgour dans tous ses plats, le deuxième album de Nu Genea est plus près du raffinement de la cuisine de Yotam Ottolenghi, tant tout y est à la fois simple, mais profondément savoureux.

Avec trente-cinq minutes pour neuf titres, la démarche artistique de Massimo Di Lena et Lucio Aquilina est chirurgicale ; chaque titre est un tube potentiel – mention toute particulière à ce "Marechià" d'exception qui vient castagner Bon Entendeur sur son propre terrain. Comme son prédécesseur, Bar Mediterraneo ressemble à ses deux géniteurs, qui parviennent à caser avec beaucoup de talent toutes leurs obsessions au même endroit. Quelque part entre disco et afrobeat, générosité maghrébine et chaleur latine, ce nouvel effort a pour lui une force de frappe grand public, mais surtout ce talent rare de réussir à faire du neuf avec du vieux. Et puis bien sûr, il y a cette ville de Naples qui sert encore et toujours de fil rouge au disque, et dans laquelle le duo puise cette énergie si particulière, propre à sa localisation dans le bassin méditerranéen et au tissu social hétérogène qui la compose – un joyeux bordel qui ne ressemble qu'à elle. Les époques et les générations sont dans un dialogue permanent, faisant alors écho à Napoli Segreta, compilation qui explore la face groovy de la musique napolitaine et dont la curation a été assurée par la paire Di Lena/Aquilina. Une comparaison qui a valeur de rappel : si vous n'avez pas encore eu l'occasion d'en écouter les deux premiers volumes, on ne saurait que trop vous les recommander en ces périodes par trop clémentes pour nos thermomètres.

Aboutissement d'un travail de sape qui dure depuis de nombreuses années, Bar Mediterraneo est un disque d'une implacable universalité, et on est quelques-uns par ici à voir dans ces neuf titres une source inépuisable d'émerveillement et d'énergies positives dans laquelle puiser quand plus rien ne va – et vu la période qu'on traverse, c'est peu dire qu'on a bien besoin de se changer les idées. Si sa concision est un atout, ce sont surtout les talents de faiseurs d'ambiance de nos deux Italiens qui donnent toute sa replay value à ce Bar Mediterraneo impeccable, destiné à nous accompagner bien au-delà de cet été pour lequel il a été pensé.