Bankrupt!

Phoenix

Loyauté – 2013
par Jeff, le 26 avril 2013
4

Parfois, la différence entre un très bon groupe et un grand groupe peut se révéler particulièrement difficile à établir – un peu comme celle qui sépare le bon du mauvais chasseur en somme. Dans le cas de Phoenix, si l'on se base sur la campagne promotionnelle qui a mené à la sortie de Bankrupt! (et l'engouement un peu disproportionné qui allait avec), les louanges qui ont suivi la sortie d'un Wolfgang Amadeus Phoenix pourtant pas bien renversant, ou la place qu'occupait il y a quelques jours encore le groupe à l'affiche de Coachella, force est de reconnaître que l'on tient là l'un des groupes les plus importants de sa génération.

Pourtant, les Versaillais ont depuis Wolfgang Amadeus Phoenix un très gros problème: ils nous sortent quelques titres impeccables sans l'album solide qui devrait les accompagner. En effet, aujourd'hui, le public retient de la bande à Thomas Mars "1901" et "Lisztomania" en oubliant deux choses, aveuglé qu'il est par le matraquage de ces deux titres: que le reste du disque était quelques crans en dessous de ces parfaites saillies, et qu'avant cela, le groupe a aligné les albums impeccables et cohérents – mais on parle de la longue période de désamour entre Phoenix et son public français, celle du nerveux It's Never Been Like That ou de l'ensoleillé Alphabetical. Certes, on connaît des groupes qui ont bâti des carrières sur base de quelques bombes imparables (et on pense tout de suite à Bloc Party), mais quand lesdites bombes commencent à disparaître des albums, cela devient gênant. Et c'est justement le gros problème auquel on est confrontés avec Bankrupt!.

Car si l'on met de côté la production clinquante et XXL d'un Zdar qui donne dans la débauche d'effets de manche jusqu'à l'écœurement, il ne reste pas grand-chose pour satisfaire les amateurs de pop raffinée et de mélodies finement ciselées. Au mieux des bribes d'idées, souvent égarées dans un refrain ou un pont, mais qui ne parviennent pas à sauver un titre dans son intégralité. Boursouflé et sans âme, Bankrupt! est un disque dont on ne retient rien, si ce n'est sa tentative désespérée de nous en foutre plein la vue alors que c'est quand il en faisait le moins que le groupe est le plus irrésistible. Il y en aura certainement pour vous dire que Bankrupt! est de ces disques qui s'apprivoisent, que Phoenix n'a pas lésiné sur les ambitions ou que derrière ces giclées synthétiques se cache l'habituel travail d'orfèvre des Français. On leur rétorquera quand même que malgré sa flamboyance de surface, Bankrupt! est un disque de pop tout ce qu'il y a de plus classique, et que cette musique ne nécessite pas une vingtaine d'écoutes pour être apprivoisée, sans quoi on rentre dans le domaine de l'endoctrinement de plein gré.