Bahdeni Nami
Omar Souleyman
Tout récemment, on vous expliquait combien il est compliqué de pondre quelques paragraphes sur un groupe comme Thee Oh Sees. Dans le cas du groupe américain, la difficulté tient à la fois à son effrayante productivité, à la qualité élevée de son travail et au caractère statique de la recette utilisée. C’est un peu le même problème qui se pose avec ce bon vieux Omar Souleyman.
Si niveau productivité il fut un temps où le Syrien donnait des leçons à John Dwyer (le gars fut longtemps musicien de mariage, et chacune de ses prestation était gravée sur une K7, ce qui lui fait un CV pachydermique), il continue aujourd'hui de nous alimenter en nouveaux albums. Surtout, la formule magique du playboy syrien (oui, une belle moustache, ça nous fait craquer) n’a jamais été modifiée. La situation frôlerait le ridicule si la qualité n’était pas au rendez-vous.
Alors que le roi du « babke » doit sa notoriété internationale à un petit label de Seattle (Sublime Frequencies) qui a sorti les premières compilations du bonhomme, il a par la suite travaillé avec l’éminence Four Tet sur son premier véritable album, Wenu Wenu. Le résultat? On nous aurait foutu Didier Barbelivien aux consoles que même la maman d’Omar Souleyman n’y aurait vu que du feu. Mais avec ce nouvel album pour Monkeytown Records, on frôle le délire. En effet, outre Four Tet qui revient pour un titre, on croise aussi les gars de Modeselektor et Gilles Peterson - Legowelt et Cole Alexander des Black Lips sont également crédités mais on y reviendra plus tard. Le résultat? On nous dirait que cette fois c'est une fine équipe composée de Josh Homme, d'Avicii et de Diplo que là aussi, on y croirait dur comme fer.
C'est donc une évidence: on ne semble trouver aucun producteur avec une emprise suffisamment forte sur la musique du Syrien et de son partner in crime Rizan Said (les claviers qui te rendent fou, c’est lui) pour l’amener vers d’autres territoires. En même temps, tout qui connaît un peu le travail des deux hommes doit forcément l’aborder avec un mélange de respect et d’appréhension. Caresser dans le sens du poil et arrondir les angles, ou aller à rebrousse-poil et donner des airs un peu plus polissons?
Une seule écoute de Bahdeni Nami suffit pour comprendre le choix posé par la triplette Four Tet / Gilles Peterson / Modeselektor. On ne va pas se mentir: la première option est loin d’être un mauvaise choix. La musique d’Omar Souleyman est trop unique pour qu’on s’amuse à la dénaturer comme le font Legowelt (avec un remix aciiiiiid pour clôturer l’album) et Cole Alexander (un trip dark-indus halluciné improbable mais pas dégueu qui ne sortira qu’en août).
Bref, claquer un 8/10 à ce nouvel album d’Omar Souleyman, c’est un peu comme donner le ballon d’or à Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo: sur le principe, ça en devient tellement couru d’avance qu'on finirait presque par récompenser un Eden Hazard juste pour changer. Mais ça relèverait d'une malhonnêteté intellectuelle crasse. Alors on ferme sa gueule et on laisse parler le talent.