Bad Manners 4
Vril
Avec Torus en 2014, Vril a pleinement profité de l'exposition phénoménale de la scène techno allemande estampillée Ostgut Ton - même si on album est sorti sur une structure autrement moins visible, en l'occurrence Forum, sous-label de Giegling. Année après année, les DJ teutons et leurs sbires ont trusté les clubs et les affiches des plus gros festivals, et ce, ad nauseam. En 2020, les sorties d'Ostgut Ton ne déchaînent plus les foules, la techno allemande garde une place de choix dans les cœurs et les têtes, mais son hégémonie s'est largement érodée. Elle ne souffle plus le vent de nouveauté qui fût sa marque de fabrique au cours de la dernière décennie. Bref, toute cette scène apparaît terriblement comme « le monde d'avant » pour reprendre une expression très à la mode ces derniers temps. Alors quand on apprend que Vril va sortir un nouveau LP, autant vous dire que cela nous apparaît excitant comme un après-midi en EPHAD. C'était sans compter sur un rédac' chef plus forceur qu'un Harvey Weinstein après 3 Ricards.
Débarqué sur Bad Manners, le second label du demi-dieu Marcel Dettmann, la quatrième sortie du label s'intitule tout naturellement Bad Manners 4. Un titre simple pour une recette d'album qui l'est tout autant. Le producteur d'Hanovre continue de produire une techno qui puise dans les racines dub-techno et les atmosphères éthérées qui ont fait son succès. Des sonorités et une approche reconnaissables entre mille qui font de Torus, ou d'un EP du calibre de Vortekz, des « must have » dans son bac à vinyles. Avec Bad Manners 4, on reste dans cette droite lignée de techno pour big rooms qui occupe le moindre centimètre carré du club et qui s'immisce dans vos synapses pour vous faire danser jusqu'à ce que mort s'ensuive. Entre les attaques frontales ("Scalar" et "Nosode"), les grosses nappes retro sur "Free World Order" ou la techno atmosphérique dont raffoleront les aficionados du label Giegling (mention spéciale pour "Psionik" qui rappelle le magnifique "Torus XXXII" qu'un certain Marcel Dettmann avait choisir pour clôturer son Fabric 77), Bad Manners 4 reprend les codes qui ont fait le succès et la renommée de Vril : une techno fonctionnelle mais tirée au cordeau, des kicks réguliers et intraitables, des lignes mélodiques impeccables et une harmonie générale qui se dégage des productions de cet héritier de Basic Channel. Une vraie techno d'esthète où tout est à sa place.
Autant vous dire que l'on n'a rien à reprocher à ce disque, et c'est peut-être là que le bât blesse. Comme le gosse des barres Kinder, la techno de Vril paraît un peu trop proprette, trop sage, trop parfaite en somme. On aurait voulu que le vice et la déviance s'invitent à la fête pour nous donner envie de nous replonger à l'infini dans les boucles hypnotiques de ce LP. Un rendez-vous quelque peu manqué donc, mais qui n'enlève rien à la maîtrise qui parcourt Bad Manners 4 de part en part.