Baby
Petrol Girls
Évacuons d'entrée la comparaison paresseuse : si l'on pourrait se dire que la musique des Petrol Girls ressemble à celle d'Amyl and the Sniffers, ce serait oublier que le groupe a su se forger une identité au fil des albums : moins garage que le groupe australien, les Petrol Girls se distinguent par leur façon de mélanger riffs post-hardcore, rythmiques math-rock et angularité post-punk. Une attitude narquoise, couplée à un vrai sens de la formule et des bourrinages en règle, voilà ce qui fait toute la force du groupe, et qu'incarne à merveille la chanteuse Ren Aldridge, qui peut compter sur le soutien d'un groupe qui exécute d'un bout à l'autre du disque un travail de brute pour gérer les changements de rythmes sans sacrifier le groove.
Quand une telle maitrise technique est mise au service de sujets d'actualité, on se retrouve face à un album dont la puissance se déploie sur tous les fronts et sous toutes les formes. Notons à ce titre l'apparition de l'activiste britannique (et ancienne chanteuse du groupe Dream Nails), Janey Stirling sur "Fight for our Lives" et son rageur "you don't own us" traitant des féminicides, ou "Violent By Design" qui s'attaque aux violences policières. Mais là où l'équilibre entre positions politiques et songwriting épique trouve son équilibre parfait, c'est sur "Baby I Had An Abortion". Coécrit par Stirling, le morceau arrive à parler d'avortement en pleine polémique Roe v Wade (la chanteuse Aldridge en a d'ailleurs écrit un article dans le magazine Kerrang!), tout en proposant un rythme enjoué et un refrain accrocheur. C'est dans ce genre d'instant, aussi festif que rageur, que se définit le savant équilibre entre impudence et sincérité qui fait de Baby un disque aussi irrésistible.
S'il peut sembler (trop) évident d'évoquer l'éthique et les tactiques du mouvement riot grrrl pour évoquer le cas Petrol Girls, il reste que le punk féministe moderne se retrouve souvent dans le même souffle que le mouvement punk féminin du début des années 90. Normal: l'énergie punk couplée à des discussions éloquentes sur des sujets tels que l'autonomie corporelle, la privation de droits et l'exploitation n'a rien perdu de sa puissance ou de sa pertinence, trente ans après. Bien au contraire.