{Awayland}
Villagers
L'inconvénient quand on débarque sur un label comme Domino Records, c'est que l'exigence de résultats est immédiate et le droit à l'erreur pour ainsi dire exclu. A moins évidemment de faire partie des locomotives de la structure, auquel cas la clémence sera généralement de mise. Mais l'avantage d'une signature sur le label londonien, c'est de pouvoir se tapir dans l'ombre des poids lourds susmentionnés histoire de voir sa carrière évoluer à un rythme qui ne s'apparente pas à celui du pauvre gamin thaïlandais qui a fabriqué ton joli pull récemment acheté pour une bouchée de pain sur Asos. Et cela, Conor O'Brien l'a bien compris. L'exigence de résultat, l'Irlandais s'y est plié avec beaucoup de sérieux sur le premier album de son projet Villagers, Becoming a Jackal. Folk-rock mélodieux au possible, finesse de tous les instants, pics d'émotion en suffisance, tout était réuni pour faire de ce premier effort un disque remarquable.
Grisé par tant d'éloges et des comparaisons (avec Bright Eyes ou The Frames notamment), le natif de Dublin aurait pu se laisser aller sur son nouvel album, explorer de nouveaux territoires. En d'autres termes, prendre de gros risques. Ce ne sera pas vraiment le cas sur {Awayland}. Car visiblement, Conor O'Brien aime prendre son temps, ne pas brûler les étapes. Et les onze nouveaux titres qu'ils nous dévoilent en sont la plus belle illustration. Dire que rien n'a changé depuis Becoming a Jackal relèverait néanmoins de la mauvaise foi. Tout d'abord, pour la première fois dans la jeune histoire du projet, il s'agit d'un effort de groupe, et cela se ressent d'un bout à l'autre du disque. En ne se reposant pas sur ses seuls acquis, en s'ouvrant au talent extérieur, la musique de Villagers s'étoffe, mûrit et se plaît à multiplier les couches. Par ailleurs, histoire de faire comme tout le monde mais pas trop, Conor O'Brien laisse encore un peu plus de places aux machines. Celles-ci continuent de jouer les faire-valoir de luxe sur {Awayland}, mais lorsqu'on les laisse prendre les commandes sur un titre comme "The Waves", le résultat est bluffant de maîtrise, évoquant les meilleurs passages du Digital Ash in a Digital Urn de Bright Eyes. Et puis il y Conor O'Brien, que l'on sait plutôt timoré sur scène mais qui dégage une incroyable présence sur disque – à ce titre, l'inaugural "My Lighthouse" devrait foutre des frissons aux plus insensibles. Bref, tous les signaux sont dans le vert.
Evidemment, en voyant ces évolutions souvent très discrètes ou difficilement perceptibles si l'on ne pousse pas l'écoute du disques dans le détail, on en viendrait à souhaiter plus d'audace dans le chef d'un Conor O'Brien qu'on sent pourtant en pleine possession de ses moyens. Mais à vouloir trop conjecturer sur une hypothétique trajectoire empruntée par Villagers, on risquerait de passer à côté des nombreuses qualités d'un disque qui dégage un grisant parfum de force tranquille.