Athanatos

Dopplereffekt

Leisure System – 2018
par Aurélien, le 20 novembre 2018
7

Le corps sans vie de son compère James Stinson reposant à tout jamais six pieds sous terre, c’est la solitude qui a poussé Gerald Donald à quitter les profondeurs sous-marines chères à Drexciya pour retrouver la terre ferme. Et à la surface, rien n’a changé, ou si peu : l’esclavage a laissé place aux camps de la mort, aux homicides contrôlés par des drones, aux fanatiques qui mitraillent des innocents à huis clos. L’optimisme conquérant des années Drexciya et son afro-futurisme sont désormais loin : sous la bannière Dopplereffekt, cela fait déjà une petite dizaine d’années que Gerald Donald balade sa techno désincarnée dans des plaines désertiques où les charniers creusent les reliefs, et qu’il compose tandis que la petite aiguille du doomsday clock se rapproche du génocide global.

Suite et fin des aventures arides narrées par Cellular Automata l’an passé, Athanatos est là pour rappeler que les thématiques de prédilection de Dopplereffekt ne changent pas : raconter la fin des temps à travers le prisme de la science, des génocides, et de la hiérarchie des races. L’économie de moyens au service de la musique est une autre constante. Dans une ambiance futuriste qui frôle parfois le stéréotype, ces cinq titres font la part belle aux synthés lourds, aux arpèges rampants, et aux cathédrales de synthétiseurs héritées des B.O. de films SF des années 80. Ici, l’être humain n’est guère bon qu’à être ramené au rang de souvenir lointain ; sa voix, tout juste bonne à soupirer au milieu des ronronnements de machines qui imposent leur cadence militaire. Plus que jamais, Athanatos se fait une joie de célébrer la fin de l’homme, érigeant des monuments électroniques froids et épiques à mettre au panthéon des meilleurs titres de l’entité de Détroit. Une performance d’autant plus marquante qu’elle noie son esthétique dans le moule des divers alias derrière lesquels officie Gerald Donald, de Der Zyklus à Arpanet, jusqu’à fournir l’hybride parfait de toutes ses productions.

Court-format qui doit sa solidité à son hermétisme maladif, Athanatos est un nouveau chapitre passionnant à mettre au crédit d’une des entités les plus atypiques de la Motor City : d’un pessimisme et d’une obscurité sans égal, ce nouvel EP prouve que la musique de Dopplereffekt n’est jamais aussi passionnante que quand elle crée ses ambiances façon Le Maître du Haut Château de Philip K. Dick, se hissant alors au rang des symphonies post-apocalyptiques les plus sombres de la musique électronique. Surtout, la familiarité exacerbée qu’elle offre d’un disque à l’autre tend à transformer son œuvre en une gigantesque chronique de la disparition de la race humaine, et qui s’alimente un peu plus à mesure que celle-ci atteint le point de non-retour par sa cupidité et sa cruauté. Plus que jamais : we need to sterilize the population.