Atavism
SND
On devait s’y attendre. On devait s’attendre à ce qu’un jour la paire formée par Mark Fell et Mat Steel nous sorte un album de l’envergure d’Atavism. Mais bien que SND se soit fait remarquer au cœur des plus belles heures du défunt label Mille Plateaux, c’est véritablement l’année passée que le duo explose aux côtés d’Autechre, invités à jouer les premières parties des warpiens durant le Quaristice Tour. Erreur fatale pour Autechre qui venait là d’engager ses propres fossoyeurs. Car si le dernier effort en date du duo de Sheffield (le susnommé Quaristice) a quelque peu divisé les fans quant à la capacité d’Autechre à se renouveler, SND reprend la carrière du duo là où il s’est précisément arrêté il y a maintenant un an.
Atavism est véritablement l’album que Autechre n’a pas eu le cran (ou la créativité) de réaliser : il est le point de convergence entre la folie architecturale de Confield et du côté froid et abrupt entrevu sur Draft 7.30 et Untitled. Les dernières volutes ambient disparaissent et se radicalisent en claviers courts d’un dub digital glacial ; le rythme, de plus en plus syncopé à mesure qu’Autechre avançait, est devenu avec SND une machine épileptique et répétitive qui trouve finalement sa substance dans une forme avancée de post-techno faussement binaire. Tout dans Atavism est en lien constant avec ce qui précède et ce qui suit, les lignes de code mathématique s’enchaînent avec une cohérence de tous les instants, les rythmiques de chaque titre anticipant les suivantes comme elles rappellent furieusement les pistes antérieures. À ce petit jeu, on pourrait craindre la répétition ad nauseam d’une même structure, mais c’est bien là que réside la force de ce disque qui fait le pari de tenir la distance en construisant ses charmes sur une hypnose qui grandit à mesure que le disque avance.
Les moindres mouvements de cette masse uniforme déclenchent des leviers qui désaxent petit à petit les constructions de ces seize pistes, comme pour dérouler par séquences hachées un Rubik's Cube sur une surface plane. Une fois atteinte cette horizontalité tant recherchée, SND s’emploie à réintégrer de manière inverse les mêmes composants dans un cube qui n’aura plus vraiment la même forme après cette infernale machination. Certains s'essaieront même à danser SND, certes pas aujourd’hui, mais dans une bonne centaine d’années à l’heure où les techno-monstres de la carrure de Mark Fell et Mat Steel feront la loi au cœur de la galaxie électronique. Car ce que l’on appelle vulgairement musique expérimentale aujourd’hui sera le fleuron de la dance music demain. Ce jour là, Atavism deviendra le nouveau Homework et SND les nouveaux Daft Punk. Les cartes sont maintenant redistribuées, SND vient de faire pencher la techno ainsi que l’IDM dans le nouveau siècle. La note maximale a été envisagée pour ce disque, elle est dès à présent écartée car, si cet album est sans doute la meilleure production électronique de l’année, c’est sans compter sur le talent du duo qui pourrait bien dans un futur proche dynamiter à nouveau le spectre électronique, s’approchant encore un peu plus de la perfection.