Asunder, Sweet and Other Distress
Godspeed You! Black Emperor
À peine plus de deux ans après un retour aux affaires discographiques marquant la fin d'un silence d'une dizaine d'années, Godspeed You! Black Emperor revient sans être cette fois vraiment parti. Ce n'est pas peu dire qu'on ne les attendait pas si vite alors que leur précédent album, Allelujah! Dont't Bend! Ascend!, est à peine digéré. Suscitant donc logiquement plus de questions que de réelles attentes, on s'est demandé au premier abord par quel côté prendre l'objet.
Grosso modo on peut dire que la galette est divisée en trois tiers bien distincts, formant un tableau en trois volets puisant dans différentes palettes dont certaines inattendues. La première piste de plus de dix minutes, "Peasantry or 'Light! Inside of Light!'", compose le premier bloc, et est dans la directe lignée de leurs précédents efforts. On est encore en terrain connu, dans les canons du post-rock tels que les Canadiens l'ont eux même défini à base de doubles basses et de batterie martiale saupoudrées de quelques cordes bien dosées. Le fan en a pour son argent sans être retourné pour autant.
La seconde partie s'avère bien plus intéressante ou en tout cas bien plus innovante de la part du combo : deux longues tracks, plus d'un quart d'heure à elles deux, prenant un virage résolument drone. La première, "Lamb's Breath", démarre en grondant, orageuse et zébrée d'éclairs puis monte en puissance pour redescendre vers la seconde, "Asunder, Sweet", d'abord étonnement calme, dont les battements de sonar convoquent le fantôme de Pink Floyd période Echoes, avant de filer vers un crescendo qui semble annoncer la fin du monde.
Le quatrième et dernier morceau du disque, "Piss Crowns Are Trebled", également le plus long, fait la transition, réintroduisant la batterie qu'on avait perdue en cours de route pour revenir sur le terrain d'un post-rock plus classique, laissant toutes leurs places aux cordes pour un moment lyrique, puis déroulant son savoir-faire au cours d'un final épique et dense.
Si le précédent album était un cri de rage jeté à la figure du public n'en pouvant plus de piaffer après dix ans d'attente, Asunder, Sweet and Other Distress en est le prolongement désabusé, un râle plutôt qu'une clameur, dont la colère rentrée en dedans s'exprime sous de nouvelles formes. GY!BE réussit ainsi avec ASAOD le tour de force d'être à la fois très inspiré dans les parties drone tout en restant (relativement hein, on parle quand même de GY!BE) accessible, délivrant une nouvelle œuvre dans un registre qui se trouve une fois encore à l'extrême opposé de tout ce qu'on peu ranger peu ou prou dans la catégorie "mainstream".