Astronaut Meets Appleman
King Creosote
Malgré une vision de son art tout à fait digne de notre intérêt, je ne pense pas être bien différent de l’amateur lambda de King Creosote. En d’autres termes, je n’ai jamais consommé qu’une petite partie de son œuvre. La faute à une discographie immense (bon courage, y’a des dizaines de CD-R et une belle volée d’albums officiels au compteur). Personnellement, ma connaissance du sujet se limite au foutraque Flick the V’s (2009), et à son incroyable collaboration avec Jon Hopkins, le très opportunément titré Diamond Mine (2012). Sept albums sont sortis dans l’intervalle, sans que je sois vraiment terrorisé à l’idée d’avoir loupé quoi que ce soit d’indispensable. Notamment parce que la carrière de King Creosote semble être à l’image du bonhomme : humble et sans coups d’éclats notables.
Enfin ça, c’était jusqu’à ce nouveau disque pour Domino, qui pourrait bien redistribuer un peu les cartes si artiste et label la jouent finement et si la critique embraie. Ce qui serait logique vu ce qui va suivre. Parce que sans sucer complètement sa roue, King Creosote nous a pondu un disque qui ressemble énormément à ce que pourrait nous livrer un autre pensionnaire de l’écurie londonienne, Villagers. Et là, soyons clairs : on n’est pas dans le dénigrement ou l’insulte.
Alors c'est vrai, la musique du songwriter irlandais a tendance à être un brin policée et à friser, par moments, avec le gnan-gnan le plus total, pourtant, un peu à l’image d’un Vitalic qui jouait dangereusement avec la musique pour fans de tuning sans jamais faire le pas de trop vers le précipice, Connor O’Brien parvient invariablement à faire imploser nos cœurs de guimauve avec son folk faussement manichéen. Et très clairement, c’est dans cette voie que semble désormais évoluer King Creosote, très en verve et bien canalisé dans ses envies sur ce Astronaut Meets Appleman. Ainsi, passé un "You Just Want" inaugural sidérant de beauté et d'ambition, l'Écossais semble se laisser dépasser par une production et des arrangements tirés au cordeau certes, mais qui relèguent au second plan des émotions brutes qu'il était par le passé capable de transmettre avec trois bouts de ficelle.
Oscillant entre main tendue vers l'Amérique (on pense souvent au folk compassé de Shearwater) et volonté de travailler local en convoquant les grands espaces de son Écosse natale (les cordes et la cornemuse aident bien, faut dire), Kenny Anderson livre un disque qui manque parfois un peu d'âme, qu'on aimerait plus riche en fêlures et imperfections, mais qu'il sera difficile d'attaquer tant au niveau de sa belle présentation que de son impeccable réalisation.