asleep

Movulango

Panacea – 2024
par Jeff, le 10 décembre 2024
7

Depuis sa création en 2015, DEEWEE ressemble moins à un label qu’à une grande famille. Et alors que le dixième anniversaire approche (et qu’on ne peut pas imaginer que celui-ci ne coïncidera pas avec la sortie d’un nouveau Soulwax), les deux pater familias Stephen et David Dewaele peuvent se féliciter de l'habileté avec laquelle ils ont mené leur barque. Mais derrière les grands sourires sur la photo, il y a toujours un vernis prêt à se fissurer. Qu’on se rassure, l’avenir de DEEWEE ne se joue pas encore dans un mélodrame façon Succession. C’est juste qu’une de ses plus récentes signatures a quitté le nid, préférant l’inconfort du DIY au luxe d’un des plus beaux studios de Belgique.

Sur le label gantois dès 2021, Moses Mozuze alias Movulango a toujours eu des airs de cousin terriblement cool mais un peu chelou aussi – celui avec qui tu vas aller fumer ton premier pétard en scred à une fête de famille un peu chiante. Affilié à un label connu pour ses produits ultra-léchés, Movulango faisait un peu tâche avec sa pop brinquebalante. Deux EP’s ont quand même été livrés, nourris au grunge, au rock psyché et la pop baléarique, ouvrant des perspectives très intéressantes quand bien même on se demandait ce qu’il foutait là coincé entre Charlotte Adigéry et Asa Moto.

Dans une élan qui ne nous surprend pas le moins du monde, Movulango a donc décidé de quitter le giron DEEWEE pour sortir une collection de titres tous plus attachants les uns que les autres. Avec à la clé ce drôle de paradoxe : quand un artiste quitte une structure, c’est pour s’émanciper et trouver dans cette liberté les moyens de faire les choses différemment, sur le fond comme sur la forme. Il n’en est rien sur asleep, un projet qui voit Movulango poursuivre sur sa lancée, celle d’un artiste qui a l’air d’avoir grandi au son d’Elliott Smith et de Kurt Cobain avant de tomber en pâmoison devant le psychédélisme des Spacemen 3 et de Panda Bear.

Parfait dans ses multiples imperfections, minimaliste dans sa forme mais certainement pas dans ses ambitions, asleep est un album très à l’aise avec l’image globalement jeanfoutre qu’il renvoie. Mais asleep est surtout un disque qui, par moments, est d’une beauté fulgurante, notamment quand des discrets rais de lumière font leur apparition dans des compositions globalement pas très joyeuses. asleep, c’est la musique d’un artiste solitaire, qui donne l’impression d’être très préoccupé par son propre petit plaisir, et fort peu concerné par la satisfaction que l’on pourrait retirer de sa musique. C’est à la fois la force et la faiblesse de ce disque qui, s’il était sorti sur DEEWEE, n’aurait peut-être pas eu la même dégaine. Est-ce que Movulango aurait pu s’en satisfaire ? La réponse tient dans ces dix compositions qui ne ressemblent qu’à lui.