Around The Well
Iron & Wine
Quand on est fan de musique, on peut classer les artistes en fonction du lien qui nous unit à eux : ceux qu’on suit de loin, ceux qu’on suit de près voire de très près, ceux qu’on vomit, ceux qu’on a honte d’aimer, ceux qu’on oublie et qui se rappellent à nous régulièrement avec plus ou moins de bonheur. Et puis, au sommet de cette pyramide aussi anarchique que personnelle, il y a ceux qui vous obsèdent et dont vous épiez le moindre mouvement, la moindre respiration de manière parfaitement irrationnelle. Et clairement, pour la majeure partie de ses fans, Sam Beam rentre dans cette dernière catégorie.
Depuis la sortie de l’essentiel The Creek Drank The Craddle en 2002, nombreux sont ceux qui scrutent la moindre sortie d’Iron & Wine, la moindre collaboration, dans l’espoir de dénicher une nouvelle petite pépite. Et dans le cas du plus barbu des songwriters américains actuels, elles furent nombreuses au cours des huit dernières années : faces-B, singles inédits enregistrés pour iTunes, live au format digital ou vinyl, reprises, participations à des compilations… Bref, il y a du lourd dans le dossier, et c’est donc avec un plaisir non dissimulé que l’on accueille aujourd’hui Around The Well, une double compilation de raretés couvrant l’ensemble de la carrière du bonhomme de manière quasi chronologique.
D’ailleurs, à l’écoute de ces 23 morceaux, ce qui frappe d’emblée, c’est l’évolution musicale de Sam Beam en quelques années, du folk lo-fi du début enregistré sur 4 pistes au folk lumineux et surproduit de la période The Shepherd’s Dog – en passant par l’équilibre parfait mais désormais rompu de Our Endless Numbered Days. Ce qui frappe également, c’est qu’on a beau être très fan du bonhomme, on s’ennuie un peu sur le premier disque où trop peu de morceaux atteignent les sommets de "Southern Anthem", "Lion’s Mane" ou "Upward Over The Mountain". Assez curieusement, à l’exception de "Dearest Forsaken" et "Hickory", ce sont plutôt les reprises qui sortent du lot, notamment celle du "Waitin’ For A Superman" de Flaming Lips et l’inusable "Such Great Heights" de The Postal Service.
En revanche, le deuxième disque laisse une bien meilleure impression dans sa construction, commençant avec les parfaits "Communion Cups & Someone’s Coat" et "Belated Promise Ring" avant de faire un détour du côté de New Order ("Love Vigilantes") et de finir sur LE sommet de la carrière d’Iron & Wine, "The Trapeze Swinger", un single de plus de 9 minutes sorti uniquement sur iTunes à l’époque et où l’on prend toute la mesure du talent de parolier de Sam Beam. Mais finalement, malgré quelques moments de perfection, Around The Well ne se révèle pas aussi satisfaisant qu’il aurait pu l’être. La faute à une tracklist trop convenue d’où les versions live sont exclues alors qu’elles constituent la colonne vertébrale de l’œuvre du groupe. La faute également à de trop nombreux oublis, notamment les reprises enregistrées avec Calexico ("Wild Horses" des Stones, "Dark Eyes" de Dylan, "All Tomorrow’s Parties" du Velvet Underground) ou encore celle en solitaire du "We All, Us Three, Will Ride" de Palace Music.
C’est un peu le risque de ce genre d’exercices, surtout quand on s’adresse à des fans quasi obsessionnels qui finalement ne seront jamais mieux servis que par eux-mêmes. Mais avec deux disques à peine à moitié remplis, on se dit que Around The Well aurait pu être l’anthologie que beaucoup de personnes attendaient. Tant pis, il va falloir continuer la traque…