Apex Predator - Easy Meat

Napalm Death

Century Media – 2014
par Simon, le 17 mars 2015
8

La quête de la violence a ceci de particulier qu’elle est bien souvent sans fin. Comme toute mauvaise drogue, plus on en consomme, moins le shoot a d’impact sur la soif grandissante d’extrême. On prend des doses de plus en plus fortes, sans se rendre compte du chemin parcouru et du degré de violence de la consommation. On finit par s’exclure, persuadé qu’il y a toujours une frontière lointaine pour nous retenir. Le brutal devient banal.

L’amateur de musiques extrêmes suit souvent le même parcours. Il se retrouve rapidement ostracisé ou infréquentable lorsque son cheminement l’amène à apprécier sincèrement du black metal old school enregistré dans une cave en Norvège ou, comme c’est le cas ici, du gros grindcore de perturbé. Car oui, mesdames et messieurs, le grindcore fait aujourd’hui partie des musiques les plus difficiles à partager dans des milieux sociaux définis comme acceptables et, là où tu passes pour un amateur un peu cool de pop dès que le soleil reprend ses droits, cette musique-là te fera toujours passer pour un handicapé social fini.

Si on se demande encore comment ce mélange archi-violent de punk-hardcore et de death-metal a pu voir le jour (certainement des mecs qui cherchaient une alternative à la perte de vitesse de leur shoot quotidien de violence), on se souviendra toujours de Napalm Death comme du groupe qui a repoussé les limites de la notion même de violence musicale. Scum a beau être sorti en 1987, il résonne toujours aux oreilles d’une génération entière d’amateurs de metal comme le début de quelque chose d’inédit, de pur et d’affreusement violent.

Depuis, de l’eau a coulé sous le ponts – le groupe ayant débuté en 1982, on vous laisse imaginer à quel point – et on est en droit de se demander ce qu’on peut attendre d’un quinzième album (!), pour autant de EP, de splits, de compilations et autres lives. Que peut-on encore proposer de sérieux quand on a trente ans de hurlements dans la glotte, de matraquage dans les poignets et de gratte dans les doigts ? Rien, probablement. Du moins rien d’équivalent à l’urgence, et donc à la pertinence, des débuts.

En ce sens, Apex Predator – Easy Meat est un putain de défi relevé avec brio. Mieux, c’est une performance historique. Une incroyable démonstration de grindcore, ultra intelligente dans sa composition, vive comme au premier jour et moderne comme si elle était exécutée par de jeunes coqs fêtant leur deuxième album en 2015.

Bien aidé par une production intensément guerrière, cet énième effort est ridiculement puissant (on s’est étonné, à plusieurs reprises, d’esquisser des rires nerveux sur certains passages) et tape dans une clarté qui offre à toutes ses prises un gigantesque relief brillant. Toujours emmenée par un Mark « Barney » Greenway chargeant partout comme un Juggernaut de Khorne, Napalm Death vient de réaliser un tour de force: offrir l'une des plus grosses bombes metal de l’année tout en rappelant à la concurrence que, contrairement au dicton, on peut être et avoir été. Pas étonnant, au final.