Anywhere I Lay my Head
Scarlett Johansson
Faut-il vraiment présenter Scarlett Johansson ? Fréquemment citée parmi les actrices les plus sexy du monde (derrière Natalie Portman, à mon humble avis), la Dano-Américaine est découverte dans L'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux de Robert Redford en 1998, puis explose véritablement avec Lost in Translation de Sofia Coppola en 2003. Depuis, devenue la nouvelle égérie de Woody Allen, elle enchaine les succès, alternant films d'auteurs (La Jeune Fille à la Perle), comédies légères (En Bonne Compagnie, Journal d'une Baby Sitter) et blockbusters (The Island). En somme, aujourd'hui, Scarlett Johansson fait ce qu'elle désire au cinéma. Et si, tout d'un coup, l'envie lui prend de se lancer dans une carrière musicale, elle trouve instantanément un producteur (Dave Sitek, membre des poussifs TV On the Radio) et une même star (David Bowie) lui permettant de donner chair à son souhait. Au risque d'oublier que le chant nécessite un minimum de talent… et que la musique implique de savoir s'entourer des bonnes personnes.
A tout le moins, on ne pourra pas dire que la belle Scarlett a choisi la facilité pour son premier album, composé quasi exclusivement de reprises de Tom Waits. Si l'homme possède une véritable aura et si son œuvre est extrêmement respectée depuis plus de trente ans, il s'agit tout de même, il faut le reconnaître, d'une icône underground voire obscure, dont le nom ne signifiera probablement pas grand-chose à l'essentiel du public. Et nombreux sont ceux qui citeront Waits sans jamais avoir écouté une de ses chansons - ce qui, au demeurant, n'empêchera pas d'avoir un avis sur la prestation de Johansson dans cet album, le joliment intitulé Anywhere I Lay My Head.
S'ouvrant sur un morceau instrumental aux accents sudistes, le disque crée une certaine frustration en ne donnant la parole à Miss Scarlett qu'au bout de 3 minutes 30 – une éternité. Et dès le premier couplet de "Town with no Cheer", c'est le choc, voire le drame. Bardée d'écho et noyée sous la musique (sans doute à dessein), la voix de Scarlett Johansson, si grave, suave et posée au cinéma, sonne ici comme froide, plate, poussive, même assistée de l'inénarrable Bowie sur "Falling Down", le premier single. Si le fait de chanter faux n'est pas un handicap en soi, comme l'ont démontré des centaines d'autres avant la blondinette, comme Beth Gibbons de Portishead, au hasard, c'est à la condition que le chant, même maladroit, parvienne à faire passer une émotion.
Malheureusement, rien de tout cela en l'espèce. Musicalement sans intérêt pour les fans de Waits (qui préfèreront sans doute l'original à la reprise) comme pour ses détracteurs (compositions arides, peu accessibles, sans mélodies), l'album pêche à la fois par une production voyante et dégoulinante ainsi que par l'inexpérience de l'actrice, propulsée au premier plan sans s'en être réellement donné les moyens (manque de cours de chant ?), qui donne au résultat l'allure de casse-tête impossible à écouter d'une traite. La faute à une volonté manifeste de trop bien faire, de donner à l'ensemble une esthétique sophistiquée proche de ce qu'incarne l'actrice sur grand écran (arrangements luxuriants, chœurs écœurants), qui aboutit à un résultat lourd, pompeux, proche de la catastrophe. Pour un premier essai, c'est un joli four, à comparer au premier album d'une autre débutante, Sophie Auster, qui, dans une démarche similaire, possède bien plus de classe.