Antony & The Johnsons
Antony & The Johnsons
Voilà donc le disque à côté duquel nous étions tous (ou presque) passés en 2000. Celui qui a enchanté le microcosme new-yorkais, séduit Lou Reed et mis à genou la jeune garde folk, de Devendra Banhart à Rufus Wainwright. Celui surtout qui a révélé Antony, créature androgyne excentrique qui enchante l’Europe et les Etats-Unis depuis quelques mois et la sortie de son deuxième album, le fantastique I Am A Bird Now. Curiosité inhérente du fan nouvellement conquis, l’exhumation de ce premier effort fait logiquement suite à la découverte. Et, passé le choc visuel de cette pochette du plus mauvais goût, le premier contact est saisissant : dès "Twilight", on comprend que l’on a perdu presque cinq années à ignorer ce merveilleux personnage.
Car I Am A Bird Now n’est pas un heureux hasard. Tout était déjà esquissé dans ce premier album éponyme : une voix cristalline servie par un piano sobre et classieux, une thématique autobiographique latente, esquissée derrière une imagerie d’écorché vif ("Atrocities", "Rapture"), le tout superbement mis en musique. Entre arpèges virevoltants ("Hitler In My Heart") et mélodies touchées par la grâce ("Cripple & The Starfish"), les neuf titres de ce disque sont comme autant de confirmations, à posteriori, du talent d’Antony. D’accord, la production n’est pas exempte de tout défaut, péchant parfois par excès d’orgueil, rajoutant ici un clavier de trop, là un solo de saxo toujours malvenu. De même, les plus pointilleux souligneront qu’après un premier tiercé parfait le disque s’égare quelque peu dans une formule frôlant parfois la redite.
Mais que sont ces détails insignifiants devant un tel manifeste de talent ? Car si ce disque n’atteint pas l’état de grâce de son successeur, il constitue une parfaite première esquisse de l’univers qu’Antony cherche à broder avec ses Johnsons. Touchant témoignage de cet oiseau qui se rêvait en ange bleu.