ANTI
Rihanna
Superstar à l’âge de 17 ans, 13 number-one hits en 6 ans, égérie des plus grands designers, 33 millions de followers sur Instagram... Y'a pas à tortiller du fion : Rihanna est une icône internationale, un véritable sex symbol et la figure tutélaire de toute une génération - pour le meilleur et pour le pire, disons-le quand même. Après 7 énormes succès commerciaux en autant d’années, la chanteuse de 27 ans n’a plus rien à prouver à personne, sauf peut-être à elle-même.
Aujourd'hui, 3 grosses années après un Unapologetic assez putassier et vite oublié, Rihanna revient avec un nouvel album et choisit de faire les choses différemment. Tout d'abord, ANTI n'est porté par aucun single diffusable jusqu'à l'écœurement par les radios - pas même de "Bitch Better Have My Money" au programme. Profitant du même deal avec le géant Samsung que le Magna Carta Holy Grail de son tuteur / BFF Jay-Z, le projet a été rendu disponible gratuitement sur Tidal qui récupère ainsi un trafic impressionnant – 13 millions de streams en 14 heures - et autant de nouveaux utilisateurs potentiels (il faut communiquer ses informations de contact pour obtenir le code de téléchargement gratuit). Derrière la gratuité de l'album se cache donc un concept marketing bien huilé qui fait d’ANTI un produit 2.0 qui s’intègre à merveille dans les plans de ses sponsors et intègre parfaitement les codes de son époque.
Au niveau du contenu, ANTI ventile toute la personnalité controversée de la chanteuse (amour, drogues, sexe et frustrations) au travers d'une approche musicalement inédite pour la princesse de la Barbade. Exit les Calvin Harris, Stargate et autres spécialistes des singles radio friendly sans valeur ajoutée. Sur ANTI, on retrouve Jeff Bhasker, Boi-1da, Kuk Harell, Travi$ Scott, Brian Kennedy, No I.D. ou encore du DJ Mustard à la production. Résultat, l'album propose des beats variés qui vont du R&B expérimental (« Yeah, I Said It ») au hip-pop aggressif (« Woo ») en passant par la pop psyché (« Same Ol’ Mistakes » reprend Tame Impala). Mais la vraie star du disque c’est bien RiRi. Plus que jamais (pour la première fois de sa carrière, a-t-on même envie de dire), elle ose prendre des risques en variant son timbre de voix et en testant de nouvelles intonations, quitte à se mettre en danger comme sur « Higher », appel désespéré à un amant distant.
Paradoxalement, les deux titres les moins intéressants sont assurément ceux qui marcheront le mieux. Ainsi, « Love On The Brain », balade romantique par excellence, se positionne comme un mélange subtil entre le « Thinking Out Loud » de Ed Sheeran et le « Hello » d’Adele et risque bien d’exploser tous les compteurs ces prochains mois. Quant au single « Work » - dont le refrain propose un enchainement recherché d’onomatopées à base de « wa-wa-wa » « ra-ra-ra » et « la-la-la » - il secoue déjà les timelines parce qu’il réunit le couple Riri/Drake pour une troisième fois. Bref, zappez le couplet ennuyeux du Canadien et privilégiez la contribution tout en fraîcheur de SZA sur l’inaugural « Consideration ».
Malgré quelques faiblesses – on pense à « Kiss It Better » notamment – ANTI permet à Rihanna d'entamer un virage inattendu, voire inespéré, dans sa discographie, à l’image de ce que sa grande sœur Beyoncé nous avait proposé en 2013. Ainsi, à moins d’être un gros FDP allergique à la pop contemporaine, il est vivement conseillé de jeter une oreille à ce disque qui dit pas mal de choses sur la musique grand public et les envies d'autre chose de ses têtes de gondole.