Anak Ko
Jay Som
Avant même d'avoir écouté la moindre note de Anak Ko, c'est son visuel qui nous a accroché. La lumière rouge d'un soleil couchant et ce personnage qui joue à l'équilibriste sur un muret a quelque chose de doux et rassurant. Et puis surtout, il y a cette intemporalité de cette image complètement hors du temps - classique et pourtant moderne. Une impression de simplicité qui, sans faire durer le suspense plus longtemps, se retrouve tout au long de ce nouvel album de Jay Som.
Jay Som, c'est l'alias de Melina Duterte depuis 3 albums déjà. Des albums qu'elle conçoit, compose et enregistre depuis sa chambre en Californie. Pas question de lo-fi ou de bedroom pop pour autant, mais plutôt un doux mélange d'indie rock, d'electronica et de shoegaze, avec juste ce qu'il faut d'imperfections pour mieux cerner l'identité de l'artiste et en révéler les plus belles fêlures.
Anak Ko veut dire "Mon enfant" en Tagalog, un dialecte philippin. C'est de cette façon que la mère de Melina, immigrante de première génération, s'adressait à sa fille. C'est aussi ce souvenir familial et chaleureux qui inspire son titre à l'album. Poussée depuis toujours par ses parents à comprendre les tenants et aboutissants de l'art qu'elle pratique, Jay Som revient cette fois avec 9 titres qui tiennent plus ensemble par un fil rouge intangible et leur présence sur un même album que par une quelconque cohérence stylistique.
Invoquant les esprits de Mitski ("Nighttime Drive"), Angel Olsen ("Peace Out"), voire même Alanis Morissette ("Superbike"), Jay Som dessine son propre univers. Un univers fragile qui ne dit pas son nom car trop bien caché derrière une production soignée. Mais la production ne fait pas tout. Il faut d'abord reconnaître à Jay Som sa justesse dans les arrangements (les cordes sur "Nighttime Drive", les claviers sur "Devotion" ou les voix robotiques sur "Anak Ko"). Des arrangements d'autant plus justes qu'ils ne polluent jamais les morceaux mais leur donnent à chaque fois une nouvelle tournure et un nouveau souffle. Et c'est bien là la force de cet album, créer autant d'ambiances en si peu de temps.
Car il faut bien avouer qu'en 35 minutes, Jay Som propose sa vision rafraîchissante de genres pourtant déjà bien balisés. Alors oui, les écarts de styles ne sont pas extrêmes et la zone de confort est respectée. Reste qu'une fois l'album fini, on y revient sans forcer, le plus naturellement du monde. Redécouvrant les subtilités de chaque morceau avec le même plaisir, à chaque fois surpris de l'enchaînement pensé par Jay Som. Rien n'indique que la suite des aventures de Melina Duterte se déroulera aussi bien que cet album qui vient de paraître mais pour le moment, un peu à la manière de l'équilibriste de la pochette, tant qu'on baigne dans la lumière chaude du soleil, on se sentirait bien con de se poser la question.